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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

produites ne pourraient guère dépasser le stade d’une hagiographie <strong>des</strong> leaders du monde<br />

professionnel dans un cas, <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> figures du monde scientifique dans l’autre 4 .<br />

Une analyse <strong>des</strong> phénomènes de professionnalisation doit prendre simultanément en<br />

compte trois ordres de facteurs : 1°) les transformations de la base cognitive de la profession<br />

(modification de l’équilibre entre les différents segments de la profession savante, ruptures<br />

épistémologiques…) ; 2°) l’évolution du champ de la pratique (évolution de la demande<br />

sociale dans le champ d’expertise de la profession, évolution <strong>des</strong> structures formelles,<br />

législation en direction de la profession) et ; 3°) le lien entre les deux : en quoi les attributs<br />

« extérieurs » de la profession (co<strong>des</strong> de déontologie, associations professionnelles, licences<br />

d’exercice, protection du titre…) sont-ils le produit de ruptures épistémologiques ? Quel est le<br />

lien entre les savoirs et leur reconnaissance sociale ? Quelle est la « prise » de ces savoirs sur<br />

une réalité sociale ? Il est nécessaire de définir au préalable ce que nous entendrons ici par<br />

« savoirs ». Pour <strong>des</strong> raisons qui s’éclairciront au fil de ce chapitre, nous avons délibérément<br />

choisi de restreindre le sens de ce terme aux savoirs disciplinaires qui sont produits et<br />

développés au sein de la sphère académique 5 .<br />

Avant d'apporter une réponse à ces différentes questions, il est nécessaire de poser<br />

les jalons théoriques qui nous permettront de mieux comprendre le lien qui unit savoirs et<br />

professions. Cette question, aujourd'hui quelque peu délaissée par la sociologie française pour<br />

<strong>des</strong> raisons que nous tenterons d'élucider 6 , a été abordée par différentes traditions depuis le<br />

fonctionnalisme de Parsons jusqu'aux approches néo-wébériennes plus récentes. Celles-ci<br />

seront présentées et abordées tour à tour sous l'angle de notre questionnement : celui du lien<br />

entre transformation <strong>des</strong> savoirs et processus de légitimation <strong>des</strong> professions.<br />

d’accroissement continu, l’historien ne peut guère que se faire le « chroniqueur » <strong>des</strong> victoires de la science sur<br />

l’obscurantisme et les superstitions <strong>des</strong> « pré-sciences ». De telles histoires de la psychologie, qui montrent les<br />

progrès constants de la raison dans le passage de la phrénologie de GALL (1758-1828) à la psychologie<br />

expérimentale de la fin du XIX e siècle, puis aux neurosciences actuelles, sont encore fréquentes aujourd’hui.<br />

4 Ces hagiographies sont souvent produites par le monde professionnel lui-même. Dans le cas de la psychologie<br />

appliquée, les Traités de psychologie qui se sont succédés depuis les années 1950 en fournissent un excellent<br />

exemple : voir notamment PIERON (1959), FRAISSE (1961) et REUCHLIN (1971). Cet exercice semble avoir<br />

tourné court en France dans les décennies plus récentes : faut-il y voir une réticence accrue de la psychologie à<br />

se pencher sur son propre passé ?<br />

5 En dépit de son fort ancrage dans le contexte de la société nord-américaine, la définition de FREIDSON (1986, p.<br />

225) nous semble fournir un cadre pertinent pour notre propre analyse : : « J’ai choisi de restreindre le terme de<br />

savoir à celui qui est associé aux universités et à leur mission de créer et de systématiser le savoir. J’accorde une<br />

place plus particulière aux savoirs formels, qui sont <strong>des</strong> savoirs spécialisés, développés et consolidés dans les<br />

institutions d’enseignement supérieur et soumis à un processus de rationalisation. Ils consistent en l’organisation<br />

d’idées et de théories et en <strong>des</strong> constats systématiques portant à la fois sur la nature de cette part de l’expérience<br />

à laquelle ils s’intéressent et aux activités humaines qui peuvent être entreprises sur la base de cette expérience ».<br />

6 Précisons d’emblée que cette tendance n’est pas sans lien avec le développement d’une approche en termes de<br />

« groupes professionnels » qui s’est progressivement imposée dans le sillage de l’ouvrage de DUBAR et TRIPIER<br />

(1998).<br />

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