27.12.2013 Views

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

contenues dans le concept d’interdépendance. Il reproche d’ailleurs à cette dernière théorie<br />

d’être « incapable de faire avancer la recherche sociologique empirique » puisqu’elle s’appuie<br />

sur l’idée d’un « individu totalement autonome, renfermé sur lui-même, un homo clausus ».<br />

Elle se barre dès lors l’accès aux « aspects <strong>des</strong> rapports humains qui fournissent le cadre à<br />

leurs interactions » (op. cit., p. 151). La notion d’interdépendance est préférée à celle<br />

d’interaction car elle traduit mieux les déterminations multiples <strong>des</strong> actions individuelles,<br />

chaque individu se situant au carrefour de réseaux de contraintes multiples.<br />

Dans cette problématique générale, la naissance d’une nouvelle profession peut être<br />

vue, elle aussi, comme le produit d’une « configuration » sociale particulière. L’individu<br />

membre d’une profession se trouve en effet engagé dans une entreprise collective dont l’issue<br />

lui échappe partiellement. Génération après génération, les membres d’une profession peuvent<br />

se heurter aux mêmes problèmes, aux mêmes difficultés, sans pouvoir y apporter de solution<br />

définitive. Cette configuration révèle l’interdépendance étroite entre différents groupes, à la<br />

fois alliés et adversaires dans ce projet de mobilité collective :<br />

« La naissance d’une nouvelle profession (…) est, fondamentalement un processus<br />

d’essai et d’erreurs par lequel les gens essaient de faire correspondre <strong>des</strong> techniques<br />

ou <strong>des</strong> institutions professionnelles avec <strong>des</strong> besoins humains. Chaque étape<br />

franchie dans cette direction est exécutée par <strong>des</strong> individus. Pourtant, le processus en<br />

lui-même, le développement et la genèse d’une profession, ou de toute autre<br />

occupation, est plus que la somme totale <strong>des</strong> actes individuels. Il suit un schéma qui<br />

lui est propre » (1950, p. 291)<br />

Le modèle sous-jacent est un modèle séquentiel d’allers-retours entre les actions<br />

individuelles et l’ensemble plus large au sein duquel elles s’insèrent. On notera les affinités<br />

entre ce modèle et l’assimilation <strong>des</strong> professions à <strong>des</strong> « mouvements sociaux » chez Bucher<br />

et Strauss.<br />

L’exemple sur lequel Elias s’appuie est la professionnalisation du métier d’officier<br />

de marine en Grande-Bretagne entre le quinzième et le début du dix-huitième siècle. Il montre<br />

que cette profession est le résultat d’une fusion lente et difficile entre deux groupes d’officiers<br />

socialement très différents : <strong>des</strong> « marins » issus <strong>des</strong> classes moyennes et formés par<br />

apprentissage aux techniques de la navigation (les « tarpaulins ») 57 , et <strong>des</strong> « militaires »,<br />

d’origine aristocratique, connaissant la stratégie et l’art de la guerre (les gentlemen). Les<br />

membres de ce dernier groupe ne pouvaient combiner les deux fonctions de militaire et de<br />

marin leur ethos aristocratique leur interdisant de pratiquer un métier « artisanal » et<br />

Sur ce point, voir la préface de Roger Chartier à La Société de cour (1985, p. VII).<br />

57 Les tarpaulins étaient <strong>des</strong> capitaines de navire, formés par apprentissage dès l’âge de 10 ans. Ils exerçaient<br />

principalement dans le domaine de la marine de commerce et étaient réunis en corporation.<br />

73

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!