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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

collectif de ses membres 49 . La question est alors de savoir si les psychologues présentent les<br />

garanties suffisantes pour opposer <strong>des</strong> contrepoids à ces différentes forces. Cette question ne<br />

se limite d’ailleurs nullement à la deuxième catégorie de psychologues identifiée par Lyon-<br />

Caen (ceux qui « examinent et évaluent les aptitu<strong>des</strong> et comportements d’hommes en bonne<br />

santé »), mais touche l’ensemble de la profession, y compris ceux dont les actes ont une<br />

finalité thérapeutique. Elle a donc une portée plus générale pour la profession.<br />

En effet, si l’on suit l’analyse développée par Hughes, tout travail pour autrui est<br />

aussi le plus souvent un travail sur autrui. Le travail pour autrui suppose que le professionnel<br />

est avant tout au service du demandeur, qu’il se met à sa disposition dans son intérêt propre ;<br />

le travail sur autrui suppose à l’inverse que l’action du professionnel <strong>des</strong>sert en partie la<br />

personne à qui est rendu le service. La tentation est en effet très grande pour le professionnel<br />

d’abuser de sa position pour nuire à la personne ou l’instrumentaliser d’une manière ou d’une<br />

autre :<br />

« Partout où un minimum de pouvoir de coercition, exercé par le verbe ou par la<br />

force, s’avère nécessaire à la réalisation d’une tâche, peut exister la tentation d’en<br />

abuser et même d’y prendre plaisir, que ce soit chez les instituteurs, les garçons de<br />

salle <strong>des</strong> hôpitaux psychiatriques, ou chez les gardiens de prison. Partout où <strong>des</strong><br />

personnes vont ou sont envoyées pour recevoir une aide ou subir une intervention<br />

existe le danger d’une altération majeure <strong>des</strong> finalités et <strong>des</strong> relations dans le cadre<br />

d’une fonction officiellement définie : il en va ainsi dans la salle de classe, la<br />

clinique, la salle d’opération, le confessionnal et la morgue » 50<br />

Ces difficultés se retrouvent à <strong>des</strong> degrés divers dans le travail quotidien <strong>des</strong><br />

psychologues. Si elle est manifeste dans le cas <strong>des</strong> psychologues du travail et <strong>des</strong><br />

psychologues scolaires, elle est moins visible, mais non moins réelle, dans l’activité <strong>des</strong><br />

psychologues cliniciens 51 . L’idéal du psychologue clinicien est de se placer dans une pure<br />

relation d’intersubjectivité avec la personne, à l’écart de tout rapport de pouvoir. Comme le<br />

souligne Anne Golse (2004, p. 30) : « La pratique d’entretien du psychologue s’enracine<br />

avant tout dans la relation qui s’instaure entre lui et la personne qui vient consulter. De ce fait,<br />

49 Comme l’a bien souligné KARPIK (1995) à propos <strong>des</strong> avocats, il paraît excessivement réducteur de ne voir<br />

dans ces contrepoids que <strong>des</strong> stratégies collectives de monopole économique. Un tel point de vue reflète un<br />

économisme qui élimine d’emblée toute dimension éthique du travail et plus généralement tout rapport aux<br />

valeurs. Sur ce point, voir également FREIDSON (2001), qui présente le modèle du professionnalisme comme doté<br />

d’une certaine autonomie face aux logiques du « marché » et de la « bureaucratie ».<br />

50 HUGHES, 1996 [1956], p. 62.<br />

51 Il n’est pas rare que les psychologues cliniciens reprochent aux psychologues du travail de se « salir les<br />

mains » en prenant <strong>des</strong> décisions à la place <strong>des</strong> personnes au lieu de les laisser libres de leurs choix. Voir cette<br />

remarque faite par une psychologue du travail en entretien : « Contrairement aux cliniciens, nous ça nous semble<br />

naturel de recevoir <strong>des</strong> gens et d’analyser un projet assez rapidement, et de prendre une décision… Parce que<br />

c’est pas fréquent qu’un psycho prenne une décision ! Un psychologue du travail ne prend pas forcément une<br />

décision s’il n’est pas à l’AFPA… Encore moins un clinicien. L’autre jour il y avait une stagiaire clinicienne qui<br />

me disait « mais ça vous pose pas de problème de prendre une décision ? ». Nous c’est naturel, on le fait tous les<br />

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