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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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a) Un point de vue fonctionnaliste sur le phénomène de<br />

« déprofessionnalisation »<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Dans son analyse du phénomène de « déprofessionnalisation », Nina Toren (1975)<br />

s’appuie sur l’idéal type <strong>des</strong> professions élaboré par la sociologie fonctionnaliste, notamment<br />

par Goode (1969, pp. 276-279), qui retient, comme nous l’avons vu, deux traits fondateurs<br />

(generating traits) du phénomène professionnel : l’existence d’une base théorique<br />

suffisamment importante et formalisée (« knowledge base ») et un idéal de service, qui met le<br />

professionnel à l’abri de tout soupçon d’égoïsme (« service ideal »). Une fois le phénomène<br />

professionnel naturalisé de la sorte, il est relativement aisé de définir en quoi consiste la<br />

« déprofessionnalisation » : celle-ci n’est rien d’autre que la perte de l’un ou l’autre de ces<br />

deux attributs. L’auteur se concentre tout particulièrement sur les transformations de la base<br />

théorique <strong>des</strong> professions, à travers l’exemple <strong>des</strong> comptables et <strong>des</strong> <strong>ingénieurs</strong>. Ces deux<br />

groupes sont exposés à une menace de déprofessionnalisation, en raison de deux facteurs : 1)<br />

la possibilité de rationaliser ou d’automatiser une partie de leur travail sous forme de logiciels<br />

informatiques 2) le rythme de changement rapide de leur base théorique.<br />

Pour les comptables, deux éléments ont contribué à fragiliser les bases théoriques de<br />

la profession : il s’agit d’une part d’une routinisation croissante du travail, permise par les<br />

développements de l’informatique, et d’autre part du développement de normes nationales et<br />

internationales en matière de pratiques comptables, qui a enlevé à la profession une partie de<br />

sa liberté et de son caractère ésotérique. D’activité essentiellement intellectuelle, la<br />

comptabilité serait devenue une simple technique, pratiquée avec une marge de manœuvre<br />

très étroite, d’où une « déprofessionnalisation » <strong>des</strong> comptables (Toren, 1975, pp. 330-331).<br />

La profession d’ingénieur subit un sort sensiblement différent : ici, c’est surtout<br />

l’accélération du rythme du progrès technologique qui expose les <strong>ingénieurs</strong> à une<br />

« déprofessionnalisation » rapide, en rendant leurs savoirs rapidement obsolètes. Ils doivent<br />

donc se former régulièrement, au risque de subir une dévalorisation <strong>des</strong> savoirs acquis en<br />

cours de formation initiale 62 . Ceci est particulièrement net pour les <strong>ingénieurs</strong> en<br />

informatique, compte tenu <strong>des</strong> évolutions très rapi<strong>des</strong> de ce secteur : <strong>des</strong> langages de<br />

programmation encore enseignés il y a moins d’une quinzaine d’années sont aujourd’hui<br />

devenus totalement inutiles pour la majorité <strong>des</strong> informaticiens (Abbott, 1988, p. 93). Cette<br />

situation trouve toutefois une solution dans l’organisation <strong>des</strong> carrières d’ingénieur au sein<br />

62 Une analyse plus détaillée de l’impact de l’obsolescence rapide du système de connaissances <strong>des</strong> <strong>ingénieurs</strong><br />

sur leurs trajectoires professionnelles se trouve dans PERRUCCI et ROTHMAN (1969)<br />

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