Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
diplôme officiel vient sanctionner la spécificité des savoirs mis en œuvre et permet d’établir
une relation de confiance avec la société. En ce sens, il constitue un mécanisme d’assurance
vis-à-vis du public, en déplaçant l’instance de légitimation du producteur individuel vers
l’organisme qui délivre le diplôme : en général le système scolaire ou universitaire, mais
parfois l’association professionnelle 91 . Cette conception est très présente chez Freidson (1986)
par exemple, qui, renouant avec une approche fonctionnaliste, place le « système de
certification » (credential system) au cœur de son approche. Il voit dans le diplôme un
« signal de marché » efficace, permettant de réduire l’incertitude des parties au moment de la
transaction 92 . Il est porteur d’informations sur la nature du travail susceptible d’être réalisé et
sur le degré de maîtrise des savoirs professionnels.
L’idée d’une correspondance parfaite entre le diplôme et les contenus de travail peut
toutefois être discutée à la lumière de différents arguments. D’une part, comme l’a bien
montré Karpik (1989), la confiance se construit davantage sur la base de réseaux sociaux
inscrits dans la durée et la connaissance interpersonnelle que sur des accréditations officielles,
qui ne fournissent qu’un niveau d’information minimal. Lorsqu’il s’agit de choisir un
médecin, un avocat ou un dentiste, la seule garantie du diplôme ne suffit pas : il faut disposer
en outre d’informations non publiques, que seul peut fournir le réseau, par le bouche à oreille.
La théorie des « segments professionnels » (Bucher et Strauss, op. cit.) ouvre une autre brèche
dans l’idée d’une correspondance stricte entre diplômes et contenus de travail. Pour les
interactionnistes en effet, un titre officiel est avant tout un pacte de coexistence pacifique noué
entre des professionnels qui s’efforcent de maintenir sous une même appellation un ensemble
disparate d’activités, afin de tirer les bénéfices d’une action concertée et d’acquérir une
visibilité sociale plus grande. Qu’y a-t-il en effet de commun aujourd’hui entre un
« psychologue clinicien » qui exerce dans un établissement hospitalier et un « conseiller
d’orientation psychologue » ou un « psychologue du travail » travaillant dans le domaine de
l’insertion ou du recrutement ? Bien qu’ils puissent tous trois se réclamer d’un titre unique de
« psychologue », protégé par la loi, ces différentes catégories relèvent de catégories
différentes dans les grilles de PCS de l’INSEE 93 . On voit que dans ce cas le titre ne préjuge en
90 Le Creuset. La voix des cadres, « Psychotechnique et médecine », 5/07/1962
91 En Grande-Bretagne, par exemple, les diplômes de psychologie délivrés par les universités sont tous soumis à
l’agrément de l’association professionnelle des psychologues : la BPS (British Psychological Society). Les
contenus des diplômes eux-mêmes sont définis par la BPS.
92 Alors que SPENCE (1973) élargit la notion de signal de marché à toutes les caractéristiques susceptibles d’être
mobilisées par un travailleur sur le marché du travail, FREIDSON (1986, p. 63) la restreint aux seuls diplômes
universitaires donnant accès à des activités protégées.
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Les psychologues cliniciens appartiennent à la PCS 3114 (« Psychologues, psychanalystes et
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