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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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les privilèges, les règles et les co<strong>des</strong> qui fondent cette définition triomphante »<br />

(Jamous et Peloille, 1973, p. 16)<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

L’extrait précédent renferme toute une théorie du changement social au sein <strong>des</strong><br />

professions : pour qu’une profession puisse se transformer, c’est-à-dire pour que le système<br />

puisse « s’ouvrir », il faut que se conjuguent <strong>des</strong> facteurs sociaux (ce que les auteurs appellent<br />

la « dynamique externe » de la profession) et <strong>des</strong> facteurs scientifiques (la dynamique<br />

« interne »). Les CHU et le cortège de mutations qui les a accompagné, n’ont pu voir le jour<br />

que grâce à la réunion de deux facteurs : sur le « front scientifique », les sciences<br />

fondamentales damaient le pion à la méthode clinique depuis la fin du XIX e siècle ; sur le<br />

« front socio-économique », la Sécurité Sociale, devenue un lieu du contre-pouvoir médical<br />

brisa progressivement le modèle libéral de la relation patient/malade en faisant pénétrer<br />

l’ensemble de la société dans ce colloque singulier. Il n’est pas inintéressant de contraster le<br />

point de vue de Jamous et Peloille, formulé dans l’extrait précédent, avec l’analyse qu’en<br />

donne Larson (1977, p. 43-44) qui cherche au contraire à rendre plus floue la frontière entre<br />

facteurs externes et facteurs internes et à mettre davantage l’accent sur les déterminants<br />

sociaux <strong>des</strong> savoirs eux-mêmes :<br />

« Il se peut que la crise générale de légitimité analysée par Jamous et Peloille soit un<br />

cas très isolé ; il met néanmoins en lumière la dynamique générale de la structure<br />

professionnelle : <strong>des</strong> éléments de rationalité cognitive sont utilisés dans le cadre<br />

d’un projet professionnel de contrôle de marché, dans <strong>des</strong> conflits internes de<br />

pouvoir et dans <strong>des</strong> revendications collectives de statut. La rationalité cognitive ne<br />

peut pas être formellement traitée comme un attribut isolé de la profession, car elle<br />

n’apparaît jamais dans sa forme pure [souligné par nous], elle s’incarne toujours<br />

dans <strong>des</strong> institutions de formation, de sélection et de contrôle professionnels, et<br />

devient visible au milieu d’un combat politique »<br />

Le cadre d’analyse de Jamous et Peloille se révèle relativement adapté à notre propre<br />

étude. La dynamique « interne » de la psychologie du travail s’est en effet caractérisée par le<br />

glissement progressif, entre les années 1950 et 1970, d’un paradigme dominant de la<br />

psychologie expérimentale vers un paradigme de la psychologie clinique, qui se résume dans<br />

le débat qui opposa Paul Fraisse et Juliette Favez-Boutonnier à la Sorbonne (Nicolas, 2002, p.<br />

296 ; Ohayon, 1999, pp. 398-406), dont les gran<strong>des</strong> lignes seront rappelées dans le chapitre<br />

IV. La dynamique « externe » mettait quant à elle en jeu le passage d’une société de plein<br />

emploi et d’industrialisme triomphant, qui utilisait la psychotechnique dans une optique<br />

dirigiste de répartition rationnelle de la main d’œuvre, à une société de chômage et<br />

d’exclusion, qui attribue aux psychologues du travail un autre mandat, davantage tourné vers<br />

l’individu, sa réinsertion ou son « épanouissement » professionnel.<br />

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