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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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B. UNITE ET DIVISIONS DE LA PSYCHOLOGIE : LA QUESTION DU TITRE<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Dans l’immédiat après-guerre, les efforts de la communauté universitaire se tournent<br />

vers l’organisation d’une formation commune à tous les psychologues. La licence de<br />

psychologie, créée en 1947 sur une initiative de Lagache 39 , apparaît comme l’aboutissement<br />

de ce projet, puisqu’elle vise à la fois à donner une reconnaissance institutionnelle à la<br />

discipline – en la libérant de la tutelle de la philosophie – et à définir une pratique unitaire,<br />

affranchie <strong>des</strong> traditionnelles divisions entre « expérimentalistes » et « cliniciens ». Dès les<br />

années 1950 en effet, la psychotechnique n’est plus seule sur la scène professionnelle : on<br />

trouve à ses côtés d’autres professionnels portant une définition alternative de la profession.<br />

Parmi ces derniers, le « psychologue clinicien » occupe une place prépondérante. Il ne se<br />

définit pas comme un testeur ou un sélectionneur mais avant tout comme un homme de l’art,<br />

un « spécialiste de la relation à autrui », qui sait « écouter et comprendre la demande explicite<br />

ou implicite qui lui est faite » (…) et « participer à l’élucidation <strong>des</strong> faits intérieurs et<br />

extérieurs, réels ou imaginaires, qui font obstacle à l’autonomie et la responsabilité <strong>des</strong><br />

personnes » 40 . Une telle définition, conforme au vœu de Lagache, rapproche très clairement la<br />

psychologie d’une pratique "consultante" et l’éloigne du modèle « scientifique » promu par<br />

Piéron qui s’était développé durant toute l’entre deux guerres. Ces deux modèles<br />

professionnels coexisteront encore tout au long de la décennie 1950 : d’un côté le<br />

psychologue-médecin, traitant de pathologies individuelles dans le silence de son cabinet ; de<br />

l’autre le psychotechnicien, appliquant à <strong>des</strong> cohortes d’individus <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> de laboratoire<br />

produites dans le cadre d’une division du travail scientifique très poussée. Modèle<br />

« scientifique » d’un côté, modèle « professionnel » de l’autre, pour reprendre la distinction<br />

de Hughes (1952). Les deux figures sont loin de se confondre, car si le médecin s’appuie bien<br />

lui aussi dans sa pratique quotidienne sur <strong>des</strong> éléments théoriques issus de connaissances<br />

scientifiques, il se caractérise avant tout par un « esprit clinique », esprit de synthèse nourri de<br />

l’expérience <strong>des</strong> aînés et acquis au terme d’une longue fréquentation <strong>des</strong> patients, par<br />

opposition à l’esprit analytique et réducteur de la science, qui ne sait pas saisir « l’homme »<br />

dans sa totalité 41 . Le savoir scientifique est donc ici entièrement soumis aux exigences d’une<br />

39 Le projet de licence de psychologie fut initialement proposé par Lagache en 1945 (voir AN-CAC 1980284 art.<br />

218). Jugé trop orienté vers la clinique et la psychopathologie, une nouvelle version fut proposée en 1947 par<br />

Piéron (alors professeur au Collège de France et directeur de l’INOP), Georges Poyer et Paul Guillaume, tous<br />

deux professeurs à la Sorbonne.<br />

40 Arch. SNP, s.c., Projet Anzieu de réforme <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> de psychologie 1968-1969, « Le psychologue clinicien ».<br />

41 On trouverait dans l’humanisme proclamé par certains médecins un prolongement naturel de cet esprit<br />

clinique. Voir pour un exemple particulièrement illustratif l’ouvrage du docteur Alexis Carrel L’homme cet<br />

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