Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

ilan professionnel ou de formation professionnelle. Il n’est notamment pas rare qu’ils se
comparent aux gestionnaires ou aux diplômés d’écoles de commerce qui auraient une moins
grande capacité d’écoute, un regard moins analytique et seraient davantage portés à mettre en
œuvre des solutions "toutes faites". Ainsi ce directeur de cabinet de conseil en recrutement,
psychomotricien de formation évoque l’utilisation qu’il fait de ses connaissances en
psychomotricité dans les situations de recrutement :
« Moi, en psychomotricien, il y a des choses que je ressens des gens quand je les
vois et que mes collègues ne voient pas. Ça peut paraître très curieux, mais le corps
ça parle autant que la langue et… Des gens gauches, vous les voyez. Les gens
gauches, pourquoi ils sont gauches ? Pourquoi il y a des gens qui savent danser et
d’autres pas ? Alors vous me direz, il y a peut-être des questions spatiales, des
questions d’oreille interne, des questions de rythme etc… mais tout a un fondement.
Il y a des raisons : elles peuvent être psychologiques, elles peuvent être
neurologiques, elles peuvent être musculaires, mais il y a toujours une raison »
(entretien n°10, homme, consultant en recrutement).
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
De même, cette consultante en recrutement et formation, interrogée en 1996 par le journal Le
Monde, insiste sur la plus-value apportée par un psychologue dans une situation de
recrutement :
« Nous sommes plus sensibles à la personnalité de l’individu, au non-dit, à tout ce
qui est au-delà de l’apparence. La psychologie nous permet de mieux cerner les
tendances pathologiques des uns et des autres et d’analyser plus en finesse les
situations » 109
L’une des sources de tension entre l’identité pour soi et l’identité pour autrui tient au
fait que l’activité de consultant donne difficilement la possibilité de concilier les deux
dimensions : celle du métier (avec le fort investissement subjectif que suppose ce terme) et
celle de l’emploi occupé. Comme on l’a vu, le travail se fait souvent dans l’urgence et sous la
pression commerciale, ce qui interdit de passer autant de temps qu’on le souhaiterait avec le
candidat, à la différence par exemple de la situation qui est celle des psychologues cliniciens
qui ne "comptent pas" le temps passé avec le patient. Les psychologues consultants doivent
fréquemment faire leur deuil d’investigations psychologiques trop approfondies : d’où le
sentiment de frustration qu’ils ressentent à l’issue de certains entretiens. L’autre difficulté
souvent évoquée par ce groupe tient au contexte même de la demande. Celui-ci est
particulièrement ambigu puisqu’en général le psychologue doit évaluer un individu pour le
compte d’une tierce personne (l’employeur, une administration…). Cette situation crée un jeu
complexe de relations à trois qui empêche parfois que s’établisse une communication réelle
avec la personne. Contrairement à l’entretien clinique, le psychologue ne se situe plus
109 Le Monde, 27 février 1996 « L’entreprise découvre les psychologues »
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