Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

sciences humaines n’est cette fois au service d’aucun idéal social ou politique mais est avant
tout au service de la construction d’une société entièrement centrée sur le sujet. La
confrontation des aspirations individuelles et des besoins collectifs est elle-même rendue plus
complexe par le brouillage progressif des repères collectifs que constituaient les diplômes et
des grilles de classification négociées de façon paritaire. Comme le souligne bien Vincent
Merle (1991), la détermination psychologique des aptitudes individuelles à l’AFPA ou dans
l’Education nationale visait à orienter l’individu vers des filières prédéfinies, soutenues par un
ensemble d’institutions et de règles. L’orientation actuelle est plus difficile à mettre en œuvre
dès lors que ces itinéraires balisés se brouillent. Il n’y a alors plus de lieu de confrontation
possible entre les aspirations individuelles des sujets et un cadre collectif. L’orientation ne
peut dès lors plus agir que sur le sujet lui-même, son projet, sa motivation et ses compétences.
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
2. Une psychologisation des rapports au travail : l’exemple du champ de
l’insertion
a) D’une régulation extérieure des conduites à l’autocontrôle
Il nous importe plus particulièrement de voir en quoi les mutations qui viennent
d’être évoquées modifient la posture et l’espace d’intervention du psychologue. Qu’il s’agisse
de la psychotechnique classique ou de la psychosociologie, le psychologue se situait
essentiellement du côté des rationalisateurs, des organisateurs : il s’inscrivait dans une
conception dirigiste et planificatrice de l’organisation. La montée du discours sur les
compétences le place davantage dans une logique d’accompagnement des personnes : le
psychologue devient un catalyseur, un "révélateur" (au sens chimique), qui aide le sujet à
mettre au jour ses potentialités cachées et à mieux en tirer parti. Comme l’explique la
conseillère en bilan de compétence interrogée ci-dessus : « Je suis là pour guider la personne,
pas pour décider à sa place ! Au final, c’est elle qui pèse le pour et le contre pour choisir sa
direction professionnelle » (voir encadré 2, supra). On constate ainsi un succès sans précédent
du modèle du "coaching", qui se diffuse jusque dans le secteur de l’aide à la recherche
d’emploi (Ebersold, 2004). Le psychologue ne doit surtout pas décider à la place du
"consultant" 15 , mais l’aider à devenir plus autonome, plus responsable, à prendre conscience
des obstacles intérieurs qui l’empêchent d’atteindre son niveau de performance optimal, faire
passer ses blocages du stade de l’inconscient au stade conscient etc. Ainsi, ce psychologue de
15 Dans la littérature théorique sur l’orientation professionnelle, on désigne sous le terme de "consultant" la
personne qui vient consulter le psychologue, le terme de patient étant peu adapté.
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