Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Les deux dimensions, études et applications, restent toutefois indissociables dans
l’esprit des psychotechniciens des années 1950 : des applications psychotechniques qui ne se
nourriraient pas d’une activité constante de recherche risquent de se dégrader en pure routine
potentiellement dangereuse pour les travailleurs examinés. Là encore les mises en garde de
Pacaud (1954b, p. 693) sont on ne peut plus explicites : « Si l’expérimentation en psychologie
appliquée ne peut dépasser l’étape de "testation" automatique, elle signera l’arrêt de sa fin, par
l’arrêt de son évolution. L’esprit "testateur" ne peut remplacer l’esprit de "chercheur" car l’art
sans la science ne tarde pas à dégénérer en routine ». Il y a une autre raison pour laquelle la
dimension "études" l’emporte sur celle des recherches au sein de l’APPD : elle tient au fait
qu’il n’y a dans l’association aucun universitaire, celle-ci restant avant tout une association de
praticiens. Il existe par ailleurs une section de psychologie du travail au sein de la SFP
(Société Française de Psychologie, créée en 1901), dont le caractère est plus ouvertement
académique 48 .
Le dernier secteur fortement représenté parmi les membres de l’APPD est celui de
l’administration qui, en ce qui concerne la psychotechnique, recouvre principalement deux
structures : l’Armée et les services de sélection du Ministère du Travail (ANIFRMO). Ces
deux structures sont pratiquement les seules où les psychotechniciens jouissent d’un véritable
statut professionnel. Au sein des Armées, des critères de recrutement et de classification assez
rigides avaient été établis dès 1944, avec la mise en place d’une grille de correspondance
entre les grades militaires et fonctions occupées dans les services psychotechniques : grade
d’officier pour les psychotechniciens, de sous-officier pour les "aides-psychotechniciens"
(voir tableau II-5, annexe 2). Le projet proposé par Paul Maucorps à Piéron en 1944 49 , s’il ne
fut pas adopté dans son ensemble, fixe les grandes lignes de fonctionnement des services
psychotechniques dans l’Armée. Le projet est élaboré par une équipe de la CORT, qui
comprend alors de nombreux anciens militaires passés par l’Institut de psychologie : Paul
Maucorps (ancien officier de marine), Alfred Fessard (capitaine de réserve), André Morali-
Daninos (médecin militaire). L’équipe envisage l’abandon de la méthode Carrard et des
alors dans le corpus "sacré" des savoirs dont dispose la profession, comme dans le cas de la psychotechnique et
plus généralement de toutes les professions scientifiques. A l’inverse, dans les professions consultantes, qui
mettent en avant la primauté de la "clinique" sur la science, le prestige intraprofessionnel naît de la complexité
humaine des problèmes traité. Comme l’ont bien montré JAMOUS et PELOILLE (1970), le "grand patron" est celui
qui connaît l’homme dans toutes ses dimensions et qui ne fie pas entièrement à la science. La position
socialement subordonnée des fondamentalistes par rapport aux cliniciens dans les facultés de médecine
(BOURDIEU, 1984), vient d’ailleurs contredire l’hypothèse d’Abbott.
48 L’APPD et la section de psychologie du travail de la SFP se réuniront en 1958 au sein de la SFP, en partie
pour permettre à la SFP d’atteindre le nombre de membres requis pour adhérer à l’IPA (Association
internationale de psychologie)
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