Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
A l’opposé de cette attitude introspective, les enseignants sont portés à insister sur le
caractère "scientifique" de leur discipline. Ils se montrent donc soucieux de leur rappeler
qu’ils ne trouveront pas à l’université une réponse à leurs interrogations ou problèmes
personnels, cette quête étant jugée peu compatible avec l’attitude scientifique et
"professionnelle" 44 . La maîtrise des affects est en effet l’une des caractéristiques nécessaires à
l’établissement d’une profession, comme l’a bien montré Parsons (1964), tout bon
professionnel devant être capable de séparer clairement son "moi personnel" et son "moi
professionnel". Cette perception biaisée de la discipline devra donc être corrigée par les
enseignants en transmettant aux étudiants une image scientifique et professionnelle de la
psychologie, d’où l’accent mis sur les enseignements de statistiques, de biologie et de
physiologie dès le premier cycle universitaire, mais aussi sur ceux de déontologie, qui
apprennent aux étudiants à adopter des normes de comportement professionnelles. Cet
enseignant exprime ainsi le profond malentendu qui est à la source de l’affluence d’étudiants
en psychologie : « Les étudiants débutants se font des idées fausses sur la psychologie
moderne. C’est sans doute lié pour une bonne par à leur origine littéraire et à l’image inexacte
de la psychologie dans la société. Le côté scientifique est inconnu et donc exclu.
L’inexactitude est renforcée par la présentation souvent anachronique de la discipline par des
professeurs de philosophie formés à la psychologie introspective ou freudienne (…) les
enseignants de psychologie ont le sentiment d’être confrontés plus souvent que ceux d’autres
disciplines à des embarras dus à des excès de préoccupations personnelles de certains
auditeurs » (Dufoyer, 1992, p. 116).
Les entretiens révèlent des positions contrastées vis-à-vis des perspectives
professionnelles. Pour certains − surtout les garçons − l’inscription en DEUG de psychologie
apparaît souvent au départ comme une solution temporaire, transitoire, qui permet de
repousser le moment où se décidera une véritable orientation de carrière. Il s’agit de passer un
an ou deux en psychologie, « en attendant de passer les concours » ou d’affiner son projet
professionnel :
Q : « Qu’est-ce qui vous a conduit à faire des études de psychologie ? »
R : « Alors la psychologie c’est vraiment un pur hasard ! Je savais pas du tout ce que
ça voulait dire. J’y suis rentré complètement par hasard… J’avoue… j’avais pas de
motivations, de projet professionnel. J’avoue même que je voulais faire une année,
voire deux…. Mais j’avais pas du tout le projet de faire un DESS derrière… Ca c’est
clair. » (entretien n°38, homme, chargé de recrutement chargé de recrutement
dans une entreprise publique)
44 Cette question partage bien entendu la communauté universitaire, mais même les cliniciens mettent en garde
les étudiants qui viendraient chercher à l’université une réponse à leurs conflits intra-psychiques ou relationnels.
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