27.12.2013 Views

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

ou la justice 4 . On peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé les psychologues à se<br />

pencher sur les questions liées au travail, et plus précisément celle de la sélection<br />

professionnelle, pour en constituer progressivement un domaine de recherche autonome. Il<br />

faut auparavant rappeler les antécédents en matière de sélection professionnelle et la position<br />

de cette nouvelle pratique par rapport aux pratiques antérieures.<br />

Il serait certainement erroné d’appliquer à la lettre le schéma larsonien de la<br />

« conquête de marché » pour décrire les débuts de la psychotechnique en France. Le groupe<br />

d’hommes qui se trouve à l’origine de cette nouvelle science ne cherche en effet nullement à<br />

mettre sur le marché un nouveau produit professionnel, dans l’espoir d’y conquérir un<br />

monopole. La psychotechnique ne saurait être vue comme la conséquence logique <strong>des</strong> succès<br />

pratiques <strong>des</strong> tests d’aptitude dans l’industrie française avant 1914. On a bien plutôt affaire à<br />

un groupe de personnes très engagées politiquement à gauche, situées à la frontière du monde<br />

savant et du monde politique, et qui caressent l’espoir de résoudre par <strong>des</strong> voies scientifiques<br />

la « question sociale », en trouvant notamment une issue au problème de la fatigue ouvrière.<br />

Leur position doit donc être davantage comprise sous le signe de cette « biopolitique » qu’ils<br />

appellent de leurs vœux, que sous celui d’une recherche de profits ou d’un monopole<br />

économique.<br />

1. Les antécédents : la sélection avant les psychologues<br />

L’idée d’une sélection rationnelle <strong>des</strong> travailleurs selon <strong>des</strong> critères physiologiques<br />

ou psychologiques, au moyen de tests, émerge progressivement dans les premières années du<br />

XX e siècle, à peu près simultanément en France (avec les travaux d’Edouard Toulouse, de J.-<br />

M. Lahy et d’Armand Imbert), en Allemagne (avec les tests de fatigue du psychiatre Emil<br />

Kraepelin) et aux Etats-Unis (Hugo Münsterberg, Walter Dill Scott). Compte tenu de la<br />

structure industrielle française et de la faiblesse <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> organisations industrielles avant<br />

1914, le recrutement s’opérait essentiellement par le jeu de la « main chaude » du marché 5 : il<br />

était l’affaire <strong>des</strong> contremaîtres ou <strong>des</strong> petits patrons, qui ne se fiaient dans leur jugement qu’à<br />

leur « coup d’œil », hérité d’une longue pratique et d’une bonne connaissance <strong>des</strong> hommes et<br />

4 Il est intéressant de noter que dans son ouvrage Psychology and Industrial Efficiency (1913), Münsterberg<br />

consacre de longs passages à la psychologie de la publicité et à la psychologie judiciaire, ce qui montre bien la<br />

conception extensive qu’il donne au terme de psychologie industrielle.<br />

5 Nous empruntons cette expression à COCHOY (1999), qui, discutant l’hypothèse de la main invisible<br />

smithienne, l’applique à la normalisation progressive <strong>des</strong> produits apparue avec la naissance du marketing au<br />

début du XX e siècle. Il s’agit bien aussi, dans le cas qui nous intéresse, de « normaliser » les qualités de la force<br />

de travail afin de lui donner accès à un marché plus étendu.<br />

127

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!