Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
étaient simplement venus y chercher une formation complémentaire à une activité principale
située en dehors de la psychotechnique (médecins, assistantes sociales, enseignants…). Seule
l’INOP a fourni à ses diplômés quelques débouchés dans la psychologie industrielle au cours
de la période : selon une enquête réalisée par Piéron en 1946, environ 10% des diplômés de
l’INOP entre les deux guerres (1928-1945) exerçaient dans la psychotechnique 27 , la grande
majorité travaillant dans les services d’orientation professionnelle de l’Education nationale.
Qui se déclare alors « psychotechnicien » au lendemain de la guerre ? De même que
sur le plan des outils scientifiques, les années 1945-1950 marquent un tournant important du
point de vue de la construction d’un "marché du travail" de psychotechniciens. Au cours de
cette période, le monde de la psychotechnique reste très composite, et fait cohabiter des
personnes aux profils sociaux très différents. S’il n’y a pas encore de trajectoire obligée pour
accéder à la profession, on peut néanmoins essayer de dégager trois grands types de modèles :
un modèle "savant", un modèle "militant" et un modèle "libéral-marchand". Chacun de ces
modèle correspond à des formes d’action collective particulières : associations savantes dans
le premier cas (l’APPD), syndicat de travailleurs dans le second (Psychotechniciens CGT,
CFDT-psychotechhniciens), syndicat libre ou "chambre professionnelle" dans le dernier cas
(Chambre syndicale des conseils en psychologie du travail, Syndicat national des
psychologues praticiens diplômés) 28 . Mais surtout, les schémas de professionnalisation suivis
par ces différents groupes divergent fortement. Dans les deux premiers cas (modèle savant et
modèle militant), c’est auprès de l’Etat que la profession va chercher des appuis, en tentant de
défendre un modèle de professionnalisme bureaucratique qui se développe à l’abri de l’Etat.
Dans cette perspective, la science est perçue comme un bien universel mis au service de tous
les citoyens ; elle doit pour cela être étroitement contrôlée par l’Etat, soit parce que les
professionnels sont des fonctionnaires, soit par des mesures de certification délivrées par une
autorité supérieure. Dans le second cas de figure (modèle libéral-marchand), les
professionnels se perçoivent avant tout comme des marchands vendant un service accrédité au
client le plus offrant. L’accréditation dont il est ici question ne fait pas référence à une
quelconque instance supérieure (l’Etat, le monde académique) mais elle est immanente à la
communauté qui définit et contrôle elle-même la validité des méthodes employées 29 . On
27 Arch. Piéron, 520 AP 12 – « Statistiques INOP »
28 Pour un panorama synthétique des différentes associations professionnelles de psychotechniciens au tournant
des années 1950, voir tableau II-6, annexe 2.
29 On retrouve ici une opposition entre deux modèles d’acquisition de statut fréquemment soulignés par la
sociologie des professions anglo-saxonne : « modèle de la charge bureaucratique » d’un côté (bureaucratic
office-holders) et « modèle de certification marchande » de l’autre (licensed market-monopolizers). Sur ce point
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