Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Lahy lui-même recourt fréquemment à l’argument économique, auquel sont
particulièrement sensibles les chefs d’entreprise. Il écrit ainsi en 1933 dans Le Travail
Humain que la sélection psychotechnique « permet de faire des économies qui à elles seules,
couvrent les dépenses du laboratoire qui a été créé ». De même, dans les rapports qu’il remet à
la direction de la STCRP chaque année, il s’efforce d’évaluer le rendement financier du
service, en se basant sur un chiffre hypothétique d’accidents évités grâce à la sélection
psychotechnique 94 . Le même argument est avancé lors de la mise en place du laboratoire
psychotechnique des usines Renault (1928) à laquelle Lahy a activement participé. Une baisse
de 30% des accidents du travail est constatée dans les deux premières années de
fonctionnement du service, entre 1928 et 1930 95 , et cet argument est avancé auprès des
compagnies d’assurance pour faire diminuer les primes versées. Une autre manière d’asseoir
la rentabilité d’un service psychotechnique d’entreprise consiste à proposer les services du
laboratoire à d’autres entreprises en vue de réaliser la sélection de leurs salariés. Cette
pratique est courante dans l’entre deux guerres, ce qui peut laisser penser que la discipline
s’est diffusée à une échelle plus large qu’il n’y paraît. On le voit par exemple lors de la mise
en place du service psychotechnique de l’entreprise Hachette, en 1935 :
« Le retentissement que ne manquerait pas d’avoir la création par les Messageries
Hachette d’un laboratoire qui serait pour le travail de bureau équivalent de ce qu’a
réalisé la STCRP pour les transports nous donnent la certitude que des
administration déjà préoccupées de la chose : Banques, compagnies d’assurance,
sociétés industrielles et probablement certains journaux important seraient heureux
d’utiliser contre rétribution (environ 30 frs par sujet), les services du laboratoire,
pour faire établir ou contrôler les aptitudes de leur personnel nouveau ou ancien, tout
comme les Réseaux français et certains étrangers utilisent actuellement les
laboratoires du Nord et de l’Etat et les entreprises de transports automobiles celui de
la STCRP » 96
La seconde mission du laboratoire psychotechnique de la STCRP, plus délicate, est
le contrôle périodique des aptitudes des machinistes en fonction : ceux-ci sont soumis à un
examen psychotechnique tous les 5 ans lorsqu’ils ont moins de 45 ans, tous les deux ans entre
45 et 51 ans et tous les ans après 51 ans. Le but de ces visites périodiques est d’éliminer les
agents qui se révèlent inaptes à la conduite et de les orienter vers d’autres services de
l’entreprise en fonction de leurs résultats aux tests. La direction de l’entreprise prend bien
soin de préciser que : « la STCRP évite absolument de priver de son gagne-pain un homme
qui ne possède plus les aptitudes nécessaires à la conduite d’une voiture. En effet, elle le
94 Chiffre établi en s’appuyant sur les statistiques d’accident antérieures à la mise en place du laboratoire
95 AN 91 AQ 57 (2), « Note sur le fonctionnement et le budget du laboratoire de psychotechnique des usines
Renault », 8 Novembre 1932.
96 Arch. Lahy, « Rapport sur la sélection des employés des Messageries Hachette »
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