Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Les services de psychotechnique s’étant constitués de façon précoce dans le secteur public, ils
sont souvent composés de personnes appartenant au premier segment, correspondant à la
première génération de psychotechniciens mentionnée dans le chapitre III.
Cette situation est particulièrement sensible à l’AFPA, dans l’armée, à la RATP ou
aux PTT où les psychotechniciens ne sont que très rarement issus de la licence de psychologie
et viennent en général d’une formation en psychotechnique au sens étroit du terme (méthode
des tests), acquise en cours de carrière, au CNAM (PTT, RATP) ou au CERP (AFPA). Michel
Moulin 20 soulignait cette spécificité en 1985, dans un article consacré aux « psychologues du
travail dans les services publics » du Traité de psychologie du travail de Claude Lévy-
Leboyer : « Les psychotechniciens du secteur public ne sont que depuis peu dotés d’un statut
spécifique (…) et se trouvent fort satisfaits de leur nouvelle et valorisante situation ; formés à
la sélection et elle seule, ils ne sont nullement enclins à suivre l’évolution de la psychologie
du travail et à élargir leur rôle ». Ce segment de la profession apparaît donc, par ses méthodes
et la rhétorique scientifique qui l’anime, comme le dernier héritier de la tradition de
psychologie différentielle issue de Lahy. Pourtant, la méthode semble désormais vidée de son
contenu : alors que Lahy, Toulouse ou Imbert plaçaient la psychotechnique au cœur d’un
projet positiviste de justice sociale et de règlement des conflits entre ouvriers et patronat, cette
part d’utopie semble avoir déserté les services psychotechniques, qui ne servent qu’à
alimenter un mode de gestion bureaucratique de la main d’œuvre.
b) La recomposition du champ de l’orientation professionnelle
Une catégorie de psychotechniciens du secteur public restent relativement à l’écart
du mouvement de critique des tests, qui voit le jour au début des années 1960, en redéfinissant
leurs missions dans un sens « clinique », davantage tourné vers la psychopédagogie et la
« relation d’aide » que vers l’évaluation des aptitudes. Il s’agit de ceux exerçant dans le
domaine de l’orientation professionnelle. Au début des années 1950, celle-ci est
principalement le fait de deux organismes publics : l’ANIFRMO, pour l’orientation des
adultes, et les « centres d’OP » (orientation professionnelle) de l’Education nationale pour
celle des enfants scolarisés dans le premier et le second degré. Les méthodes utilisées par les
psychotechniciens de ces deux organismes puisent alors principalement aux sources de la
psychologie appliquée en s’appuyant sur des tests d’aptitude construits selon les méthodes
20 Michel Moulin était alors responsable du service psychotechnique des PTT. Il avait lui-même commencé sa
carrière comme postier et avait reçu la formation de psychologue du travail du Professeur Bize au CNAM.
279