Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

devons maintenant trouver les tests susceptibles de mesurer ces qualités, puis, en les
appliquant à un assez grand nombre de machinistes de valeur différente, comparer
notre classement psychotechnique ainsi obtenu au classement professionnel qui
résultera de l’appréciation des chefs de service. Selon les corrélations que l’on
pourra établir entre ces deux classements, nous jugerons de l’exactitude du choix des
aptitudes psycho-motrices et de la valeur de la méthode par lesquelles les divers
renseignements fournis par les tests sont combinés en vue du classement
psychotechnique » (Lahy, 1927, p. 18)
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Contrairement à la méthode précédente, qui naturalisait les aptitudes, celle de Lahy a
l’avantage de ne formuler aucune hypothèse sur la nature des aptitudes en jeu puisqu’elle
passe, sans intermédiaire, des épreuves psychométriques au métier lui-même. Lahy se
dispense parfois même de nommer les fonctions explorées chez les individus, en se contentant
de les désigner par le test qui les mesure (« suggestibilité motrice », « attention diffusée »,
« appréciation des vitesses »…). Il en va ainsi par exemple du test de « suggestibilité
motrice » mis au point par Binet en 1901 et repris par Lahy dans ses expériences à la STCRP.
Ce test se compose d’un appareil à deux manivelles reliées entre elles, dont l’une est maniée
par l’examinateur et l’autre par le candidat. L’objectif est de mesurer la façon dont le candidat
réagit aux impulsions motrices données par l’examinateur sur la manivelle. Lahy distingue
trois réactions possibles : « soit le candidat suit exactement toutes les impulsions données par
l’opérateur ; soit il continue les mouvement lorsque l’opérateur s’arrête (il "automatise") ; soit
il résiste au mouvement donné (il "retient") » (ibid, p. 38). Un procédé d’inscription graphique
permet de mesurer la réaction du candidat et d’établir ainsi un classement dont la forme
générale est une courbe de Gauss. Le point important est que Lahy reconnaît lui-même qu’il
ignore le type d’aptitude qui est mesurée précisément par ce test : « (…) quant à ce qui touche
à la cause intime, physiologique, du phénomène, nous ne pouvons faire encore que des
hypothèses. Il nous semble que le sens tactile y a peu de part, les sensations musculaires et
tendineuses en ont davantage. Mais nous pensons que les centres nerveux supérieurs jouent un
rôle important dans l’appréciation des incitations motrices que le sujet reçoit de l’opérateur. »
(ibid, p. 40) En revanche, en s’appuyant sur les statistiques d’accidents causés par les
machinistes, Lahy est en mesure d’établir une corrélation entre la propension aux accidents et
les résultats obtenus au test (les candidats qui "automatisent" ayant une propension plus forte
à provoquer des accidents).
La méthode analytique représente un progrès par rapport à la méthode empiriste,
dans la mesure où elle permet d’échapper à la définition des aptitudes en se plaçant, en
apparence, sur un plan purement pragmatique. En apparence seulement, puisqu’on voit qu’en
réalité les représentations spontanées sur les aptitudes nécessaires à un métier donné
interviennent dans la phase initiale d’étude du travail, lorsque le psychotechnicien choisit le
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