Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
entre les mains des seules personnes qui ont « une connaissance suffisante de l’homme total 89
(…) et sont seuls aptes à interpréter cet ensemble indissociable que forment l’homme
physiologique et l’homme psychologique » : les médecins.
Au-delà de l’aspect anecdotique de l’affaire, il est nécessaire de rappeler qu’elle
surgit à un moment bien précis de l’évolution de la psychologie appliquée, où précisément
celle-ci cherche à sortir de la gangue des sciences expérimentales et de la physiologie, pour se
tourner vers des dimensions davantage inspirées de la psychologie clinique et sociale. Elle
refuse donc d’être une simple annexe de la médecine pour devenir un savoir à part entière,
alternatif à celui produit par le corps médical. L’argument se fait entendre sous la plume d’un
psychotechnicien de l’ANIFRMO, membre du « Syndicat des psychotechniciens de la
CGC » 90 : Alors que le docteur Theil parle en pathologiste, et ne voit dans le test qu’un
instrument de diagnostic, le psychologue considère « l’individu en tant qu’élément
interdépendant et interréagissant avec un milieu psychologique qui ne peut plus être défini en
nombre de globules rouges ou en degré d’humidité, mais en tant que contingences sociales,
éducatives, économiques, professionnelles et autres ». Ces conflits de juridiction avec le corps
médical ou d’autres professions dominantes dans les différents champs d’exercice de la
psychologie ne sont pas le fait exclusif de la psychologie appliquée au travail. Des conflits du
même ordre opposent au même moment dans les hôpitaux les médecins aux psychologues de
la santé, qui se voient confinés à la production de diagnostics à la demande des médecins, et
pas directement pour les patients eux-mêmes. Dans le domaine scolaire, les conseillers
d’orientation professionnelle (COP) revendiquent aussi, à partir du milieu des années 1950, de
sortir de leur rôle étroit de "testeur" pour participer aux actions des équipes éducatives et
orienter la pratique pédagogique des enseignants. On assiste donc, vers le milieu des années
1950, à une évolution générale du rôle joué par les psychotechniciens dans leurs différents
domaines d’application, qui les détourne d’une pure mission de "technicien des tests" au
profit d’une fonction plus large de praticien de la psychologie. Face à ces évolutions, le
diplôme d’Etat de psychotechnicien qui sera délivré de 1953 à 1970 apparaît nettement en
retrait.
2. Le diplôme d’Etat de psychotechnicien : autopsie d'un échec
La création d’un nouveau diplôme est souvent perçue par les porte-parole des
professions comme une étape importante dans leur développement et leur reconnaissance : le
89 Souligné par l’auteur
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