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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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fondement de la légitimité <strong>des</strong> professionnels et la condition de leur efficacité. Par<br />

conséquent, les facteurs de changement d’une profession ne se situent pas dans la sphère <strong>des</strong><br />

savoirs (qui seraient le lieu d’une rationalisation continue), mais davantage dans la vie du<br />

groupe et les interactions entre membres de la profession.<br />

b) Strauss et le concept d’« ordre négocié »<br />

Avec le concept d’ « ordre négocié » 24 , le processus de déconstruction <strong>des</strong> savoirs<br />

entrepris par Hughes et Becker atteint son paroxysme. Dans la perspective d’Anselm Strauss,<br />

les savoirs pratiques mobilisés par le professionnel ne sont pas puisés dans un répertoire<br />

préexistant mais se produisent dans le cours même de l’interaction :<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

« Les règles qui régissent les activités <strong>des</strong> divers professionnels, tandis qu’ils<br />

accomplissent leurs tâches, sont loin d’être exhaustives, ou clairement établies, ou<br />

clairement contraignantes. Ceci implique la nécessité d’une négociation<br />

continuelle » (Strauss, 1992, p. 92)<br />

Dans le cas de l’hôpital psychiatrique, plus particulièrement étudié par Strauss (op.<br />

cit.), ce réseau d’interactions inclut à la fois le médecin, les patients, et l’ensemble <strong>des</strong><br />

professions exerçant au sein d’une organisation. Ces professions voisines sont essentiellement<br />

les infirmières, les ai<strong>des</strong>-soignantes, les psychologues et les assistantes sociales. Chaque<br />

groupe professionnel infléchit à sa façon le diagnostic qui va être finalement porté par le<br />

psychiatre, à tel point qu’on chercherait en vain dans l’article de Strauss le moindre indice<br />

d’une « autonomie » du médecin dans la formulation de son diagnostic, ou une quelconque<br />

référence à un corps de savoirs préexistants. Le diagnostic est toujours le résultat d’une<br />

négociation avec le patient et le tissu dense <strong>des</strong> professions voisines. Il n’est pas jusqu’aux<br />

ai<strong>des</strong>-soignantes qui prennent part au traitement administré au malade, à travers les divers<br />

moyens de contrôle qu’elles ont sur leurs supérieurs, allant de la « non communication<br />

d’information à <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> plus ou moins coopératives dans la tenue <strong>des</strong> dossiers et la<br />

fréquentation <strong>des</strong> réunions (op. cit., p. 101). Les infirmières sont elles aussi « habiles à<br />

imposer et à développer <strong>des</strong> accords quant à l’action à mener vis-à-vis du patient » (op. cit., p.<br />

101). Il y a donc loin du savoir théorique appris par le psychiatre sur les bancs de l’université<br />

à sa mise en œuvre dans <strong>des</strong> situations de travail concrètes. Le choix par Strauss de l’hôpital<br />

psychiatrique n’est d’ailleurs certainement pas anodin. L’absence de consensus chez les<br />

praticiens 25 sur la « bonne manière » de traiter un cas introduit un principe d’équivalence<br />

24 STRAUSS, 1992<br />

25 Le principal clivage observé par Strauss et ses collègues oppose <strong>des</strong> psychiatres d’orientation somatique<br />

(formés en neurologie) à <strong>des</strong> psychiatres d’orientation psychothérapeutique. D’autres travaux sociologiques ont<br />

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