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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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CONCLUSION DU CHAPITRE IV<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Sans doute, il apparaîtra paradoxal qu’au moment même où la profession réunit ses<br />

forces pour faire reconnaître un principe d’unité dans tous ses champs d’application, l’INSEE<br />

sanctionne au contraire son éclatement en une multitude de sous-groupes, dont les contenus<br />

de travail et les statuts différent. Un tel décalage entre l’"auto-nomination" du groupe et son<br />

inscription dans les catégories statistiques ne peut se comprendre que si on le relie à la<br />

monopolisation du titre par un segment particulier de la profession : celui <strong>des</strong> cliniciens,<br />

représenté par le SNP. Grâce à son poids numérique (1500 adhérents en 1985) 100 et à<br />

l’efficacité de son organisation interne, il parvient à s’approprier, aux côtés de la SFP, les<br />

principaux organes de pouvoir de la profession ; il joue également le rôle de porte-parole<br />

auprès du public, en développant une activité de « relations publiques » que les autres<br />

associations n’ont pas les moyens de mettre en place, contribuant ainsi à promouvoir auprès<br />

du public une image de la psychologie conforme à sa propre vision (un service de "public<br />

relations" est créé au SNP en 1972) 101 . L’enjeu principal semble être de situer les<br />

psychologues face aux médecins et de consacrer le principe de leur autonomie technique,<br />

notamment dans <strong>des</strong> actes comme la psychothérapie ou la psychanalyse. Le paradigme<br />

expérimentaliste et l’expression de "psychologue praticien", autour de laquelle s’était<br />

construite la profession dans les années 1950-1970 102 sont en revanche rejetés, car ils<br />

menacent d’enfermer le psychologue dans un simple rôle de technicien ou d’auxiliaire<br />

médical. On retrouve en arrière plan de ces débats un conflit récurrent entre praticiens et<br />

universitaires : si les universitaires sont toujours prompts à ramener les applications dans le<br />

giron d’une science dont ils auraient la maîtrise, les praticiens sont soucieux de faire valoir<br />

100 Voir, sur le graphique II-13 (annexe 2) la croissance <strong>des</strong> effectifs du SNP sur la période 1950-1990<br />

101 La manipulation de l’image d’une profession vis-à-vis du public est chose relativement aisée, dans la mesure<br />

où ce dernier les perçoit comme <strong>des</strong> groupes homogènes. Il est probable que dans les années 1950-1970, l’image<br />

dominante du psychologue aux yeux du public était celle d’un manipulateur de tests, chargé de classer et<br />

d’orienter les personnes à <strong>des</strong> tournants de leur trajectoire biographique et sociale (école, armée, entrée dans<br />

l’entreprise). Aujourd’hui, ce sont davantage le travail d’écoute et de « remédiation » dans <strong>des</strong> situations de<br />

détresse (problèmes familiaux, sociaux ou psychiques, catastrophes diverses etc…) qui sont mises en avant<br />

qu’un travail d’expertise objective, comme le montre bien le récent débat sur les experts-psychologues auprès<br />

<strong>des</strong> Tribunaux. Bien que les deux dimensions aient existé au cours <strong>des</strong> deux pério<strong>des</strong>, le public a tendance à ne<br />

retenir à un moment donné qu’une seule image de la profession. Seuls les membres de la profession, ou certains<br />

clients avertis, ont <strong>des</strong> catégories de perception suffisamment fines pour percevoir les professions comme <strong>des</strong><br />

espaces socialement différenciés. Sur le décalage entre la perception interne et la perception publique du statut<br />

<strong>des</strong> professions voir ABBOTT (1981).<br />

102 PIERON (1963, p. 320) définissait l’expression de « psychologue praticien » comme « un titre général pour les<br />

professionnels <strong>des</strong> applications pratiques de la psychologie, dont on a proposé l’usage officiel, en France, à la<br />

place de psychologue clinicien, pour les assistants de psychologie <strong>des</strong> services hospitaliers considérés comme<br />

<strong>des</strong> auxiliaires médicaux »<br />

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