Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

« Lorsque les options économiques, sociales et
politiques, se trouvent hors des prises du sujet, le
psychologique se trouve doté d’une réalité, sinon autonome,
du moins autonomisée. Nous avons maintenant affaire à une
subjectivité d’autant plus “libre” qu’elle ne gère plus que
des enjeux dérisoires »
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Robert Castel, La gestion des risques : de l’anti-psychiatrie à
l’après psychanalyse, 1981, p. 191
Le déclin de la psychotechnique et du regard positiviste porté sur le travail par cette
science s’est accompagné d’une montée en puissance d’un discours psychothérapeutique sur
le travail. Le "sujet" de la psychotechnique était un travailleur dénué de subjectivité et
d’affects, une simple "machine à produire", support d’aptitudes indifférenciées. Ce déni de la
subjectivité était précisément ce qui permettait une gestion centralisée des flux de main
d’œuvre par les pouvoirs publics, via la planification et la mise en équivalence de tous les
individus sous le langage unifié des "aptitudes". Comme on l’a vu (chapitre IV), ce discours a
évolué à partir des années 1960 avec l’introduction en France de la psychologie de groupe et
des différentes formes de thérapies d’entreprise destinées aux cadres (Training group,
psychologie humaniste, courant des relations humaines…), mais aussi en raison d’une
évolution interne de la psychologie universitaire qui a progressivement consacré l’hégémonie
de la clinique sur les autres branches de la discipline. Tout en restant ancrées dans le monde
de l’entreprise, ces techniques sociales ont investi à partir des années 1980 les politiques de
gestion du chômage, et offert aux chômeurs des services de soutien psychologique ou de
"redynamisation" visant à accroître leur employabilité et leur faire acquérir des
comportements plus conformes aux réalités du monde du travail et aux demandes des
employeurs. Ce nouveau discours psychologique sur le travail s’est imposé avec une force
toute particulière dans un contexte de montée du chômage et de multiplication des situations
intermédiaires de quasi-emploi (formes atypiques d’emploi : emplois aidés, CDD, intérim…)
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