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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

et <strong>des</strong> applications justifie l’argument selon lequel les ils sont de véritables professionnels, et<br />

pas les simples auxiliaires d’un savoir dont les déterminants se trouveraient ailleurs (dans le<br />

laboratoire ou les théories psychologiques). Cette thèse est défendue avec force par Lahy en<br />

1932 dans un article sur « Les fondements scientifiques de la psychotechnique » 100 . Il<br />

commence par reprocher aux fondateurs de la psychologie industrielle à l’étranger<br />

(Münsterberg aux Etats-Unis, Myers en Grande-Bretagne, Lipmann en Allemagne) d’avoir<br />

défini la psychotechnique comme « une sorte de technologie », un ensemble de recettes<br />

appliquant un savoir psychologique général à <strong>des</strong> objets particuliers – sélection du personnel,<br />

organisation du travail, publicité…. – sans se soucier d’ajuster les métho<strong>des</strong> à ces objets<br />

particuliers. Cette vision est bien conforme à l’idée que se font les anglo-saxons du<br />

professionnal, perçu comme un intermédiaire entre un savoir constitué au sein de la sphère<br />

académique et qui se diffuse dans différents registres pratiques. Toute la sociologie<br />

fonctionnaliste est construite autour de cette dualité science/applications et de l’idée que le<br />

professionnel va puiser dans un « ailleurs » – un espace presque sacré, au-delà du monde<br />

profane – les valeurs qui fondent son action. Lahy pense au contraire que « les applications de<br />

la psychotechnique se confondent avec l’expérimentation » 101 et que si la psychotechnique<br />

« utilise les métho<strong>des</strong> générales <strong>des</strong> sciences et en particulier celles de la psychologie<br />

expérimentale, elle en crée chaque jour de nouvelles qui enrichissent le fonds commun <strong>des</strong><br />

métho<strong>des</strong> et <strong>des</strong> techniques scientifiques ». La psychotechnique n’est donc pas une simple<br />

"branche" de la psychologie générale. Elle forme à elle seule une discipline autonome, qui<br />

construit son savoir et ses métho<strong>des</strong> en empruntant à d’autres disciplines mais qui ne saurait<br />

s’y réduire : « née de la psychologie théorique, la psychotechnique la dépasse, la transforme<br />

et va la remplacer comme le produit de son évolution nécessaire, comme une synthèse de la<br />

théorie avec une nouvelle pratique ».<br />

On comprend mieux alors pourquoi les « laboratoires » mis en place par Lahy dans<br />

toutes les entreprises qui ont adopté sa méthode ressemblent davantage à <strong>des</strong> laboratoires de<br />

recherche qu’à <strong>des</strong> services de recrutement du personnel. Il s’agit de produire simultanément<br />

le savoir et les applications pratiques qui sous-tendent et légitiment ce savoir. Les deux sont<br />

indissociables dans l’esprit de Lahy et de ses collègues : seule une science rigoureuse et<br />

exigeante peut être équitable et se maintenir à l’abri <strong>des</strong> pressions <strong>des</strong> directions.<br />

L’application de la méthode « à <strong>des</strong> choses sociales oblige à exiger que rien ne vienne la<br />

fausser dans la pratique. C’est pour fournir ces garanties de parfaite rigueur que nous avons<br />

100 LAHY (1932).<br />

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