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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

se soucient assez peu de situer leurs nouvelles théories dans un cadre académique préexistant.<br />

Ils le créent de toutes pièces, en cherchant avant tout à rendre leur discipline « utile » à la<br />

société. On retrouve bien là les principaux ingrédients d’un « projet professionnel » qui n’est<br />

freiné dans sa course par aucun obstacle, puisqu’il vient combler une « juridiction » presque<br />

vide (Abbott, 1988). Mais on voit aussi les affinités entre le modèle théorique et un type de<br />

société bien particulier qui, en raison de sa grande ouverture laisse la place à de telles<br />

entreprises de conquête de marché 19 . En France au contraire, il a fallu plus de trois<br />

décennies 20 pour que la psychologie du travail s’affranchisse de la double tutelle de la<br />

physiologie et de la philosophie et qu’elle rencontre la psychologie différentielle, qui ouvrira<br />

la voie <strong>des</strong> applications pratiques sur une plus grande échelle.<br />

La psychologie du travail française s’inscrit à ses débuts dans la double tradition de<br />

la physiologie du travail, qui étudie l’activité musculaire et la dépense d’énergie dans<br />

différents métiers, et de la psychologie expérimentale, principalement tournée vers l’étude <strong>des</strong><br />

sensations, perceptions et réactions. Du côté de la physiologie, <strong>des</strong> recherches sur les efforts<br />

musculaires liés au travail avaient été menées en France dès les années 1870 par les<br />

physiologistes Etienne-Jules Marey (1830-1904) et Auguste Chauveau (1827-1917), qui<br />

s’étaient intéressés le premier à la locomotion humaine et animale, en s’appuyant sur un<br />

procédé de décomposition <strong>des</strong> mouvements (la « chronophotographie »), et le second à la<br />

dépense énergétique associée aux différentes activités musculaires, plus particulièrement dans<br />

le cadre du travail. Ces deux médecins de formation s’inscrivaient en réalité dans le sillage<br />

d’une science du travail plus ancienne, que Reuchlin (1955) et Vatin (1999) font remonter aux<br />

travaux de Lavoisier sur la respiration animale à la fin du dix-huitième siècle, mais sur<br />

laquelle il n’y a pas lieu de s’attarder ici puisque ces travaux, essentiellement affaire de<br />

savants, ne débouchèrent sur aucune application pratique.<br />

Les travaux de Marey et de Chauveau ouvrent la voie à un ensemble d’étu<strong>des</strong> sur les<br />

professions manuelles dans les années 1900-1910, menées dans un esprit très pratique,<br />

puisqu’elles furent commandées pour nombre d’entre elles par l’Office du travail à partir de<br />

de psychologie appliqué de l’entreprise Ford, 11 mai 1916<br />

19 L’importation d’une discipline de toutes pièces, comme ce fut le cas de la psychologie aux Etats-Unis dans les<br />

années 1880-1900 ou de la gestion et du marketing en France dans les années 1960 (COCHOY, 1999 ; PAVIS,<br />

2003a) constitue certainement un facteur favorable au développement d’un projet professionnel, puisque la<br />

nouvelle discipline vient alors combler une juridiction vide et ne rencontre aucun obstacle. Inversement, la<br />

psychologie française a vécu dans l’ombre de la médecine et de la philosophie au moins jusqu’aux années 1960-<br />

1970.<br />

20 La physiologie du travail connaît son plein développement en France dans les années 1890 alors que la<br />

psychologie du travail, au sens où on l’entend aujourd’hui (c’est-à-dire principalement dans ses applications<br />

différentielles), n’émergera qu’au début <strong>des</strong> années 1920.<br />

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