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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Le point de vue de Léonard n’est pas unilatéral puisque les savoirs sont abordés dans<br />

toute leur complexité, et pas du seul point de vue de la conquête d’un monopole économique.<br />

Le succès de la professionnalisation de la médecine est au contraire analysé comme un<br />

« rendez-vous » historique entre un groupe social, un savoir en évolution constante et un<br />

besoin social lui aussi en mouvement. Le modèle d’analyse privilégié par Léonard est donc de<br />

nature « séquentielle », là où les marxistes et les wébériens adoptaient un point de vue plutôt<br />

déterministe. La réussite de la médecine ne s’analyse pas par l’efficacité de la « rhétorique »<br />

que les médecins auraient su développer face à leurs concurrents, mais par le fait que leur<br />

savoir apportait effectivement une réponse adéquate aux problèmes du moment.<br />

En disant que les savoirs présentent une certaine efficace, nous ne retombons pas<br />

pour autant dans la posture positiviste qui tend à naturaliser les savoirs professionnels. Nous<br />

ne suggérons pas non plus que cette efficacité est scellée de toute éternité. Nous voulons<br />

simplement dire que ces savoirs ont une certaine prise sur le réel ou plutôt sur la réalité telle<br />

qu’elle se présente dans un contexte historique donné. Ce qu’il faut analyser c’est donc ce<br />

rapport mouvant entre <strong>des</strong> savoirs – lieux de transformation plus ou moins autonomes – une<br />

situation de besoin, au sens économique social et historique du terme, et un groupe social.<br />

Les professions sont aussi confrontées dans leur évolution à cet autre acteur, lui aussi<br />

relativement autonome, qu’est l’Etat. Ce point de vue a été développé notamment au sein de<br />

la science politique par le courant du néo-institutionnalisme historique 33 . A l’opposé <strong>des</strong><br />

thèses néo-marxistes, L'État est vu comme une structure plurielle, souvent conflictuelle, qui<br />

présente une forte autonomie face aux deman<strong>des</strong> de la société. Une conviction commune de<br />

ces auteurs est que les politiques menées par l'État à un moment donné donnent naissance à<br />

une "dépendance de sentier" qui affecte durablement son action dans ce domaine de la vie<br />

sociale. Ce schéma a été appliqué dans différents champs, notamment celui <strong>des</strong> politiques<br />

sociales (Skocpol, 1992) ou du développement économique (Evans, 1995).<br />

Aussi, contrairement aux points de vue marxiste et wébérien, ces deux sphères<br />

précédentes – la sphère de production <strong>des</strong> savoirs et l’Etat – ne sont pas le simple reflet <strong>des</strong><br />

structures de pouvoir qui traversent la société mais doivent être analysées dans leurs<br />

interactions avec les groupes professionnels.<br />

33 EVANS, RUESCHEMEYER et SKOCPOL, 1985<br />

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