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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

appelle de ses vœux. Son projet, plus ambitieux (mais moins directement applicable) est bien<br />

plutôt de rassembler les résultats épars obtenus par les différentes métho<strong>des</strong> d’observation<br />

(psychologie, physiologie, chimie, anthropométrie etc.) en vue de découvrir <strong>des</strong> « types<br />

humains ». Pour lui, il est préférable de demander cent renseignements à une seule personne<br />

qu’un même renseignement à cent personnes différentes, comme l’avaient fait Galton, Binet<br />

et les psychologues américains. On voit, par ces questions de méthode, que Laugier reste<br />

finalement très proche d’une approche médicale, centrée sur l’étude approfondie <strong>des</strong> cas<br />

individuel. Il s’attache ainsi à créer une nouvelle science, au croisement de la psychologie et<br />

de la biologie : la "biotypologie" 74 . Cette quête l'éloigne <strong>des</strong> visées essentiellement pratiques<br />

du CNAM et le pousse vers <strong>des</strong> recherches empreintes d'un certain eugénisme, dont l'issue se<br />

révéla plus qu'hasardeuse 75 . En réalité, un homme comme Lahy aurait certainement beaucoup<br />

mieux convenu que Laugier pour occuper la chaire, compte tenu de l’intérêt qu’il portait aux<br />

applications de la psychologie en entreprise et de sa connaissance très fine du monde du<br />

travail 76 . Laugier doit d’ailleurs beaucoup à Lahy, dont les travaux déterminèrent en partie<br />

l’orientation vers la physiologie du travail. Mais les réseaux de Lahy étaient nettement moins<br />

étendus que ceux de Laugier, et surtout l’absence de diplômes a certainement joué en sa<br />

défaveur pour une nomination au CNAM.<br />

Si ses travaux scientifiques sont contestables sur plus d’un point, Laugier contribua,<br />

grâce à sa réputation internationale et ses talents d’administrateur, à asseoir durablement<br />

l’enseignement <strong>des</strong> sciences du travail au CNAM. Il y développa, en collaboration avec les<br />

Chemins de Fer de l’Etat (future SNCF) un laboratoire de physiologie du travail, qui s’établit<br />

à la gare Saint-Lazare en 1933, puis à Viroflay en 1936. Les activités du laboratoire,<br />

contrôlées par son assistante Dagmar Weinberg, consistaient en partie à tester l’aptitude <strong>des</strong><br />

candidats et à diminuer ainsi les accidents de la circulation ferroviaire ; mais surtout, elles<br />

servaient à alimenter les analyses factorielles de Laugier et Weinberg en vue de découvrir <strong>des</strong><br />

« biotypes » : « Nous pensons qu’une classification ne peut espérer avoir une portée théorique<br />

profonde et ne peut développer <strong>des</strong> conséquences pratiques que si elle se fonde sur une<br />

<strong>des</strong>cription synthétique aussi complète que possible de tous les caractères différentiels <strong>des</strong><br />

individus » (Laugier et Weinberg, 1936, p. 260, souligné par les auteurs). L’approche<br />

74 Le premier bulletin de la société de biotypologie prend de ce point de vue l’allure d’un manifeste. Voir<br />

notamment LAUGIER, TOULOUSE et WEINBERG, 1932, 27-34.<br />

75 Sur l’évolution de la pensée de Laugier, voir JAKOB, 1995.<br />

76 Lahy s’était déjà présenté en 1913 pour occuper le poste de directeur du laboratoire du travail du CNAM, mais<br />

ce fut finalement le physiologiste (et médecin) Jules Amar qui fut choisi, grâce au soutien de son ami l’ingénieur<br />

taylorien Henry Le Châtelier<br />

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