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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

les années 1930, en accordant une primauté exclusive au facteur « g ». De fait, dans les<br />

années 1950, la psychotechnique se transforme rapidement en une pure méthode de<br />

classement unidimensionnelle, en contradiction avec le projet <strong>des</strong> psychotechniciens de<br />

l’entre-deux guerres qui insistaient au contraire sur le caractère multidimensionnel <strong>des</strong><br />

aptitu<strong>des</strong>, et la possibilité d’une compensation mutuelle entre les différentes aptitu<strong>des</strong>. A<br />

partir du moment où l’on reconnaît qu’un facteur d’ "intelligence générale" conditionne la<br />

réussite dans tous les domaines, la voie est ouverte à une sélection d’inspiration nettement<br />

plus darwinienne que celle que pratiquaient Lahy, Pacaud ou Piéron. C’est bien d’un<br />

changement de regard qu’il s’agit : alors que dans les années 1920-1930, les<br />

psychotechniciens portaient un regard essentiellement clinique et médical sur le travail et sur<br />

les aptitu<strong>des</strong>, les années 1950 sont davantage marquées par la métaphore du psychotechnicien<br />

comme « ingénieur <strong>des</strong> aptitu<strong>des</strong> », capable de mesurer un matériau humain fait d’une pâte<br />

uniforme et comprenant un nombre fini d’aptitu<strong>des</strong>. Du même coup, la psychotechnique<br />

déserte le terrain de l’analyse concrète du travail pour s’enfermer dans <strong>des</strong> travaux statistiques<br />

de laboratoire, s’attachant à mettre en évidence les corrélations entre l’appartenance à telle ou<br />

telle catégorie de personnel et les résultats aux tests. C’est ainsi que procède Bonnardel chez<br />

Peugeot ou au laboratoire de psychologie appliquée de l’EPHE, dont il avait pris la direction<br />

en 1941 succédant à Lahy. Suzanne Pacaud, à qui cette évolution n’avait pas échappé écrivait<br />

ainsi en 1954 : « Nous assistons aujourd’hui (…) à ce fait inquiétant que l’extension<br />

extrêmement rapide <strong>des</strong> applications psychotechniques aboutit à l’abandon par certains<br />

psychotechniciens de l’analyse du travail » (Pacaud, 1954a, p. 580). On ne voit plus alors très<br />

bien quels sont les soubassements théoriques et psychologiques de cette psychotechnique de<br />

l’après-guerre, dès lors qu’elle a perdu tout lien avec l’étude expérimentale du travail.<br />

On voit ainsi se construire, à la fin <strong>des</strong> années 1940 et au début <strong>des</strong> années 1950, une<br />

nouvelle articulation entre les savoirs psychotechniques et un besoin social en matière de<br />

classement et d’orientation de la main d’œuvre, qui s’inscrit pleinement dans le cadre de la<br />

« convention keynésienne de plein emploi » (Salais, Reynaud et Baverez, 1986) mise<br />

progressivement en place dans l’après guerre. Celle-ci s’appuie sur une représentation macroéconomique<br />

du marché du travail comme lieu d’ajustement, ou plutôt d’emboîtement, entre<br />

une offre et une demande de travail. La psychotechnique n’est plus cet instrument de<br />

"prophylaxie sociale" qu’avaient voulu Toulouse, Lahy et Laugier, mais un outil tourné vers<br />

la productivité nationale, <strong>des</strong>tiné à sélectionner les salariés les plus aptes à être promus dans<br />

<strong>des</strong> grilles de classification standardisées, ou susceptibles d’être orientés vers les secteurs de<br />

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