Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
univers – celui des aptitudes individuelles et celui des métiers – perd de vue l’essentiel qui est
précisément la mise en rapport des deux termes de la relation : mise en rapport entre des
caractéristiques biopsychiques et les mécanismes de division sociale du travail chez Naville 14 ,
mise en rapport entre des caractéristiques biopsychiques et une situation de travail pour les
ergonomes. Dans les deux cas, on insiste davantage sur la variabilité du comportement
individuel dans différents environnements que sur la fixité des aptitudes postulée par la
psychologie différentielle. La critique de départ, formulée par Faverge et Ombredanne dans
L’analyse du travail (1955), s’en prend au fait que la psychotechnique sépare arbitrairement
les aptitudes individuelles et les aptitudes requises par les métiers, là où n’existe en fait
qu’une relation : l’homme et son contexte de travail forment un système de communication et
d’échange de signaux. La machine (et plus généralement la situation de travail) envoie des
signaux (S) au travailleur, celui-ci les interprète et leur apporte une réponse (R). La
métaphysique des aptitudes, qui prétend isoler des caractéristiques individuelles
indépendamment des situations de travail dans lesquelles elles s’inscrivent devient dès lors
stérile. On reconnaît que le problème n’est plus de trouver l’adéquation naturelle entre des
aptitudes innées et un métier inscrit dans l’ordre du monde, mais l’aménagement du poste de
travail et des outillages. Le Directeur des services de sélection de l’ANIFRMO, Frédéric
Simon, écrivait ainsi en 1957 qu’avec « l’analyse psychologique du travail (…) une
possibilité d’action supplémentaire a été offerte aux psychotechniciens, qui pouvaient soit
sélectionner parmi cent sujets le plus apte à faire un apprentissage difficile, soit rendre cet
apprentissage accessible à la moyenne des individus. Ce second aspect étant plus humain, et
plus valable d’un seul point de vue économique, c’est surtout dans ce second domaine qu’il
convient de porter les efforts aujourd’hui ». Depuis les années 1970, l’ergonomie ne se
cantonne plus d’ailleurs aux outillages physiques : le domaine de la psychologie ergonomique
(« engineering psychology ») se prolonge jusqu’à l’ergonomie des logiciels informatiques, à
travers l’analyse des processus et cheminements cognitifs mis en œuvre. Les méthodes de la
psychotechnique et de l’ergonomie sont nettement différentes, ce qui explique le
cloisonnement qui existe encore aujourd’hui entre ces deux filières. Alors que la
psychotechnique construit ses méthodes de sélection sur la psychologie différentielle et les
tests, l’ergonomie est davantage tournée vers la psychologie expérimentale, dont elle
emprunte les techniques de laboratoire, notamment dans la connaissance des sensations et
perceptions liées aux situations de travail. L’ergonomie en tant que profession fait toutefois
14 La sociologie de Naville est fortement marquée par son inspiration béhavioriste, exposée en détail dans l’un de
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