Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

du gouvernement Herriot. C’est donc assez naturellement qu’Edouard Herriot, ministre de
l’Instruction Publique en 1928 pense à lui pour occuper la chaire devenue vacante au CNAM :
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Le Conseil d’Administration de l’établissement va être appelé à examiner dans une
de ses prochaines réunions s’il convient de modifier le titre de la chaire d’hygiène et
physiologie du travail qu’occupait le professeur Pottevin, récemment décédé, chaire
dont l’enseignement portait sur la physiologie et l’hygiène du travail d’une part, et
sur l’hygiène générale d’autre part.
Avant de déclarer la vacance de la chaire, il m’a semblé qu’il y aurait lieu
d’examiner si elle ne gagnerait pas à être transformée, de façon à ce que son
enseignement et son activité générale fussent plus adaptés aux besoins de la vie
sociale actuelle et à la solution des problèmes complexes que pose aujourd’hui avec
acuité, dans le monde producteur, l’organisation rationnelle du travail. (…) Il ne faut
pas limiter l’enseignement de cette chaire à des enseignements de physiologie
générale et d’hygiène qui existent déjà dans toutes les facultés de médecine de
France. (…) Au contraire, l’enseignement de la physiologie du travail n’existe pas
pratiquement en France, sauf au Conservatoire des Arts et Métiers où elle a sa place
marquée. (…) Enfin, un mouvement général entraîne les esprits dans le monde entier
vers ces études très poussées de l’organisme humain au travail. L’Allemagne a créé
récemment un institut pour l’étude de la physiologie du travail
D’autre part, les questions de rendement de l’organisme humain, celles d’adaptation
de la biologie des individus à leur fonction sociale et d’adaptation de la technique
des métiers à la biologie des travailleurs sont de plus en plus à l’ordre du jour. Les
milieux ouvriers, comme les milieux patronaux, en comprennent tous les jours
davantage l’importance. Les études de rationalisation dans l’industrie ne seront
fécondes que si elles tiennent compte éventuellement du facteur humain dont toutes
les réactions physiologiques doivent être étudiées, connues, mesurées. Toute cette
vaste entreprise qu’est l’organisation rationnelle du travail doit reposer sur la
connaissance détaillée de la physiologie des travailleurs et la parfaite harmonie entre
l’ouvrier et son métier, harmonie qui est source de rendement, de joie au travail, et
de paix sociale. (…) C’est pourquoi une chaire consacrée à la physiologie du travail
et à toutes les recherches théoriques et appliquées que comporte un pareil objet
d’études a sa place marquée au Conservatoire.
Toutefois, la physiologie du travail est une science si vaste qu’il y aurait avantage à
signaler dans les nouvelles appellations qui sera donnée à la chaire l’une des
questions pratiques les plus immédiatement abordables sur lesquelles elle devra
concentrer son effort. (…) C’est pourquoi la chaire pourrait être appelée :
« physiologie du travail et biométrie humaine » ou, si l’on hésite devant une
dénomination trop nouvelle, « physiologie du travail et orientation professionnelle ».
(…) Préciser les différences fonctionnelles entre les individus, fixer par des chiffres
autant que faire se pourra l’état de chacune de ces fonctions de l’individu, réaliser
ainsi des profils physiologiques caractéristiques de l’état d’un sujet, tel serait le but
essentiel de la biométrie humaine, science encore dans l’enfance, branche
importante de la physiologie du travail et qui serait aussi à la base même de l’OP et
de la sélection industrielle » (souligné par E. Herriot)
Les références appuyées à la "biométrie humaine" et aux "différences fonctionnelles
entre les individus" désignent sans équivoque possible Laugier comme l'homme de la
situation, bien que ses travaux soient en réalité assez éloignés du contenu d'enseignement
initial de la chaire. Contrairement à Lahy, Laugier n’est pas un homme de terrain et il n’a en
1928 aucune expérience de la psychotechnique en entreprise. Il manifeste d’ailleurs un certain
scepticisme à l’égard de cette discipline, qui a pour lui le défaut de traiter séparément chacune
des fonctions mentales et biologiques des individus, au détriment de l'approche globale qu'il
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