27.12.2013 Views

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

En France Lahy lui-même tempère ses critiques à l’encontre du taylorisme à partir de<br />

1921. Dans la préface à la seconde édition de son ouvrage de 1916 (Le système Taylor), il<br />

reconnaît à Taylor le mérite d’avoir « en partie posé le problème de l’organisation du travail »<br />

et admet que sous certaines réserves son système « pourrait être en partie bénéfique pour les<br />

travailleurs de toutes catégories » 90 . Lahy collabore d’ailleurs activement à la presse <strong>des</strong><br />

<strong>ingénieurs</strong> tayloriens dans les années 1920. Il écrit de nombreux articles dans <strong>des</strong> revues<br />

comme l’Usine, Mon Bureau ou La technique moderne entre 1921 et 1927, dans lesquels il<br />

relate ses expériences, et la manière dont elles peuvent adoucir les effets d’un taylorisme mal<br />

tempéré (voir tableau II-3, annexe 2 : « Lahy et la vulgarisation scientifique »). Lahy est<br />

particulièrement actif dans la promotion de la psychophysiologie du travail auprès <strong>des</strong><br />

industriels : en 1919, il prend la tête d’une collection d’ouvrages <strong>des</strong>tinés au monde de<br />

l’entreprise : « la Bibliothèque française du chef d’industrie », qui publiera un certain nombre<br />

d’ouvrages de vulgarisation scientifique dans les années 1920. La position de Lahy est de ce<br />

fait très ambiguë : on sent chez lui une volonté de diffuser le plus largement possible les<br />

applications de la psychologie et de séduire les milieux industriels, mais il n’abandonne pas<br />

pour autant le projet social qu’il entend faire jouer à la psychotechnique. Dans sa perspective,<br />

celle-ci doit avant tout être mise au service du travailleur, et non du patron. Cette<br />

contradiction initiale rend difficile l’institutionnalisation de la psychotechnique, car elle<br />

menace souvent d’entrer en conflit avec les intérêts patronaux. Ceux-ci attendent avant tout de<br />

l’efficacité, <strong>des</strong> économies, <strong>des</strong> résultats quantifiables, là où Lahy recherche davantage une<br />

plus grande humanisation du travail face à l’industrialisation et à la menace du taylorisme.<br />

Seules les administrations ou les très gran<strong>des</strong> entreprises (STCRP, Chemins de fer…)<br />

semblent se montrer sensibles à l’argument de la santé psychophysiologique <strong>des</strong> travailleurs.<br />

On voit ainsi l’administration <strong>des</strong> PTT faire en 1925 l’éloge de la méthode Lahy, en la<br />

différenciant clairement de la méthode de Taylor :<br />

« Il faut soigneusement distinguer la psychotechnique du taylorisme. Elle en est<br />

exactement la contrepartie. Le système de Taylor – justement répudié par l’opinion<br />

ouvrière – est un ensemble de règles qui permettent de tirer de l’ouvrier le maximum<br />

de rendement. Nulle préoccupation humanitaire dans ce système (…) Le taylorisme<br />

est une méthode d’organisation du travail, issue du cerveau froid d’un ingénieur qui<br />

n’a en vue que le rendement du matériel humain. La psychotechnique prend, au<br />

contraire, pour sujet de son étude l’employé lui-même. Elle a le souci de diriger le<br />

candidat vers la profession où il se conviendrait le mieux, celle dont sa santé<br />

s’accomodera, où ses facultés s’exerceront avec facilité. La science se met au<br />

service <strong>des</strong> hommes pour le choix d’une carrière (…) on le voit, la psychotechnique,<br />

90 Cité par RABINBACH, 1992 [1990], p. 253<br />

178

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!