Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
années de l’après guerre et la création de la licence de psychologie marquent un tournant
important, compte tenu de l’orientation clinique donnée à la licence par Lagache.
La psychologie clinique entend embrasser tous les domaines d’applications de la
psychologie : de la psychopathologie à la psychologie industrielle en passant par la
psychologie scolaire. Elle s’appuie pour cela sur un nouveau « paradigme » qui fait de la
psychologie non la science des aptitudes, mais une science générale de la conduite. Selon les
termes de Lagache, l’attitude du clinicien doit consister à « envisager la conduite dans sa
perspective propre, relever aussi fidèlement que possible les manières d’être et de réagir d’un
être humain et complet aux prises avec une situation, chercher à en établir le sens, la structure
et la genèse, déceler les conflits qui la motivent et les démarches qui tendent à résoudre ces
conflits… » (Lagache, 1947, p. 32). On mesure tout ce qui sépare une telle définition de la
psychologie de celle qui avait guidé les premières applications dans le domaine de
l’orientation ou de la sélection professionnelle, construite non sur l’exploration en profondeur
de cas individuels, mais sur la mise en équivalence des individus par l’usage d’outils
d’investigation scientifiques normalisés. Les psychotechniciens se divisent dès lors en deux
segments bien distincts, qui se différencient à la fois par leur orientation théorique et par leur
parcours professionnel. Un premier segment, issu de la tradition psychophysiologique de
l’entre deux guerres, est composé de personnes formées en cours d’activité professionnelle
dans les établissements qui avaient été les berceaux de la psychologie appliquée de l’entre
deux guerres : l’Institut de psychologie, l’INOP et le CNAM. L’autre, dont la moyenne d’âge
est moins élevée, rassemble les titulaires de la licence de psychologie qui entretiennent une
distance plus grande vis-à-vis de la psychologie « scientifique » et se réclament davantage de
l’orientation clinique. La profession de psychologue offre donc un visage extrêmement
diversifié au tournant des années 1960. Une enquête réalisée par le SNPPD 106 en 1957 auprès
des membres du syndicat montre l’extrême diversité des voies d’accès à la profession de
psychologue : 43 % des répondants au questionnaire sont titulaires de la licence de
psychologie, 18 % sont titulaires d’un ou plusieurs diplômes de l’Institut de psychologie, 15
% sont diplômés de l’INOP et 7 % sont titulaires du DEP. On voit donc que le segment issu
de la tradition expérimentaliste (IPP, INOP et DEP) représente un poids numériquement
106 Syndicat National des Psychologues Praticiens Diplômés : Syndicat autonome fondé en 1950 à la suite de la
création de la licence de psychologie et destiné à défendre un statut des psychologues dans tous les domaines
d’application. Le SNPPD entend se distinguer à la fois des syndicats affiliés aux grandes centrales (CGT, CFDT,
CGC), qui défendent le statut des psychologues dans un champ d’application particulier (Ministère du Travail,
Education, Santé…), perdant de vue l’unité de la profession, et des associations professionnelles (SFP, APPD…)
au caractère académique trop marqué et qui se désintéressent du sort des praticiens.
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