Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
professionnelle ou les relations avec l’Etat. La forte balkanisation associative propre à la
situation française (tableau II-7, annexe 2) est de ce point de vue une faiblesse dans la
prétention des psychologues français à offrir un modèle d’organisation exportable en Europe.
Les psychologues britanniques ou des pays nordiques semblent aujourd’hui les mieux armés
pour imposer leur modèle : le statut économique des praticiens y est nettement plus élevé, en
raison de politiques de quota très restrictives dans l’accès à la profession. Par ailleurs, une
expertise propre à la profession – assise, sur le modèle américain, sur la psychologie cognitive
et comportementale – y est mieux reconnue qu’en France 12 . Surtout, les associations
professionnelles y sont extrêmement influentes. Dominées par les praticiens, ce sont elles qui
définissent les quotas, délivrent les accréditations aux universités et aux praticiens et
centralisent l’information sur le fonctionnement du marché du travail professionnel. Si l’effet
direct de la concurrence de praticiens venus de l’étranger ne se fait pas encore directement
sentir en France, la structuration européenne de la profession commence néanmoins à
produire ses effets. Depuis le début des années 1980, les psychologues français participent
aux travaux de l’EFPPA (European Federation of Professional Psychologists’ association),
ce qui les a obligé à davantage structurer leur représentation en Europe afin de faire valoir
leur point de vue 13 . Plus récemment, un « diplôme européen de psychologue », délivré par
l’EFPPA sur le modèle des labels ou des certificats de compétence professionnelle a été créé.
L’objectif à terme est que les universités se calent sur ce nouveau référentiel, et non plus sur
des critères de formation définis au niveau national par les seuls représentants du monde
académique ou de certains segments de la Fonction publique. On voit à quel point ces
évolutions, si elles peuvent renforcer la visibilité et l’influence de la profession, remettent
fondamentalement en cause la conception même de l’ordre professionnel qui a jusqu’à
maintenant caractérisé la situation de la psychologie en France. On passerait en effet, dans le
cadre d’une européanisation de la profession de psychologue, d’un professionnalisme dominé
par l’Etat à une forme de professionnalisme de marché plus proche du modèle anglo-saxon.
L’avenir de la profession de psychologue en France dépend dans une large mesure de
la manière dont vont s’articuler cette tendance à la territorialisation, source potentielle de
déprofessionnalisation, et l’ouverture vers le niveau européen, qui est susceptible de mieux
11 Durée variable de trois ans au Danemark à huit ans en Grande-Bretagne.
12 En Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou en Suède, il n’est pas rare qu’un psychologue dirige un établissement
psychiatrique, ce qui serait impensable en France.
13 L’EFPPA n’accepte qu’un seul représentant par pays, ce qui a obligé les associations de psychologues français
(syndicats et associations professionnelles) à se fédérer au sein d’une fédération unique.
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