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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

sociale exercée par la profession, c’est-à-dire sa capacité à se prononcer et à intervenir dans<br />

un domaine de la vie sociale.<br />

Les travaux de Halliday (1985 ; 1987) sur les avocats du barreau de Chicago<br />

fournissent de ce point de vue un cadre d’analyse intéressant. Dans un ouvrage au titre<br />

évocateur – Beyond monopoly – Halliday cherche à se démarquer de sociologies du monopole<br />

(néo-maxistes et néo-wébériennes), qui occupaient encore le devant de la scène au milieu <strong>des</strong><br />

années 1980, au moment où il écrivait son livre. A l’opposé de ces deux courants, il suggère<br />

que les efforts principaux d’une profession ne portent pas tant sur la construction et la<br />

protection d’un marché du travail (problème qui ne se pose finalement qu’à un stade initial de<br />

la professionnalisation) que sur la recherche d’une influence dans le domaine de la vie sociale<br />

qui les concerne (la santé pour les médecins, le bien-être psychique pour les psychologues,<br />

l’éducation pour les enseignants, le droit pour les avocats…). De ce point de vue, les<br />

professions ont un rôle positif à jouer dans la fabrique <strong>des</strong> politiques publiques, puisqu’elles<br />

peuvent se substituer à l’Etat pour définir les actions pertinentes à mener dans un domaine de<br />

la vie sociale, tout particulièrement dans le contexte de désengagement de l’Etat qui<br />

caractérisait la décennie 1980 aux Etats-Unis 112 . Halliday illustre cette thèse tout au long de<br />

son livre, en montrant le rôle joué par le barreau de Chicago dans le vote de certaines lois ou<br />

l’adoption de certains mesures gouvernementales concernant son champ d’influence<br />

(l’adoption, les droits civiques, les assurances, les relations de travail….).<br />

Halliday précise toutefois que les professions ne sont pas toutes susceptibles<br />

d’exercer le même type d’influence, et c’est là qu’intervient la notion de « mandat cognitif »<br />

(knowledge mandate). Dans sa perspective, le mandat cognitif désigne la capacité d’une<br />

profession à exercer une influence dans un domaine de la vie sociale, en raison <strong>des</strong><br />

fondements épistémologiques de la discipline sur laquelle elle s’appuie. Tout en étant<br />

pleinement conscient <strong>des</strong> débats philosophiques entre « faits » et « valeurs » qui sous-tendent<br />

une telle opposition, Halliday (op. cit., p. 132) propose de distinguer <strong>des</strong> « professions<br />

scientifiques », qui s’appuient sur <strong>des</strong> faits empiriquement vérifiables et <strong>des</strong> « professions<br />

normatives », qui relèvent davantage du domaine <strong>des</strong> normes sociales et <strong>des</strong> valeurs :<br />

« (…) les professions peuvent être divisées en deux classes selon que leur assise<br />

cognitive est d’ordre principalement <strong>des</strong>criptif ou prescriptif. Pour les professions<br />

112 Nous n’insisterons pas sur les affinités certaines d’un tel modèle avec la réalité socio-politique nordaméricaine,<br />

qui tend à limiter sa portée lorsqu’on l’applique au cas français. Voir cependant, pour nuancer cette<br />

critique, les travaux français montrant la part importante prise par les professions dans la fabrication de certaines<br />

politiques publiques en France, tantôt pour les dénoncer (THOENIG, 1973 ; ILLICH, 1975 ; JOBERT et MULLER,<br />

1987 ; BOURDIEU, 1989), tantôt au contraire pour insister sur leur contribution positive (HASSENTEUFEL, 1997),<br />

quoique ce dernier point de vue soit plus rarement défendu.<br />

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