Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
un déclin de la psychologie dans le monde du travail. Il est vrai que la fonction de
"technologie disciplinaire" qu’elle avait rempli sur les marchés internes des grandes
entreprises ou dans les processus macrosociaux de répartition de la main d’œuvre depuis
l’après-guerre connaît aujourd’hui un net déclin, dans un contexte d’accroissement du
chômage et de transformation du contenu des emplois, qui mettent de moins en moins en jeu
des aptitudes psychophysiologiques et de plus en plus des compétences personnelles,
relationnelles etc. C’est toutefois sous une forme renouvelée que la psychologie semble avoir
aujourd’hui investi tout à la fois le discours sur le travail et les pratiques du marché du travail
et d’une certaine manière il semble que sa domination n’ait jamais été aussi forte. Le
questionnaire fait bien apparaître cette dimension puisque, bien qu’elles ne se désignent que
rarement comme psychologues, les personnes interrogées disent dans leur grande majorité
avoir recours à des techniques psychologiques dans le cadre de leur travail. On relève
également une pénétration sans précédent du discours psychologique dans le monde des
professionnels de l’orientation – y compris les non-psychologues – , donnant lieu à une
abondante littérature spécialisée, sous l’emprise presque exclusive de la psychologie 127 . L’une
des différences importantes avec la psychotechnique est que les nouveaux terrains conquis par
la psychologie du travail sortent du domaine de l’entreprise ou de l’école et viennent de plus
en plus se loger dans un « entre-deux » : formation professionnelle, bilan de compétence,
périodes de chômage etc., bref dans toutes ces phases de « transition professionnelle » au
cours desquelles l’individu cherche à produire une réflexivité sur son rapport au travail.
Cette montée de la prise en charge psychologique des individus dans leur rapport au
travail soulève un certain nombre de questions, que nous abordons dans le chapitre suivant.
Du point de vue social tout d’abord, quel est le sens de cette inflation psychologique dans le
champ du travail ? Dans quelle mesure peut-on dire qu’il instaure un nouveau mode de
régulation des conduites individuelles dans ce domaine et qu’il tend à brouiller les frontières
du normal et du pathologique, à la faveur de la montée du chômage ? Du point de vue de la
professionnalité des psychologues ensuite : comment peuvent-ils prétendre mener un travail
« psychologique » ou parfois « thérapeutique » avec les qu’ils rencontrent, qui connaissent
des difficultés dans leur rapport au travail ? Ce problème se pose avec une acuité toute
particulière dans les activités d’évaluation des personnes (recrutement, bilan de compétence,
évaluation pour une entrée en formation professionnelle) où le psychologue entend se mettre à
127 Il suffit de relever l’importance des articles émanant de psychologues dans des revues représentatives de ce
champ comme Education Permanente, Actualité de la formation permanente ou l’Orientation scolaire et
professionnelle.
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