Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
d’analyse factorielle (voir chapitre III supra). On teste les « qualités » de la main-d’œuvre
comme on teste les caractéristiques d’un produit ou d’un matériau qui doit être emboîté dans
un ensemble plus vaste – en l’occurrence : le marché du travail. Les deux faces de
l’orientation (marché du travail et aptitudes individuelles) sont donc pensées sur un mode
statique, conformément à une représentation dirigiste de l’économie. Au tournant des années
1960, les Conseillers d’orientation professionnelle (COP) de l’Education nationale et les
psychotechniciens de l’AFPA tentent de faire éclater leurs missions traditionnelles, en se
déplaçant de l’étape de la sélection vers une mission plus large d’accompagnement des
personnes. Dans les écoles, les COP revendiquent de sortir de leur rôle étroit de « testeur »
pour participer aux actions des équipes éducatives et conseiller les enseignants sur leur
pratique pédagogique. La réforme Berthoin de 1959, qui instaure le cycle d’observation en
6 ème -5 ème satisfait en partie leurs revendications en leur attribuant un rôle dans
l’accompagnement scolaire des enfants, qu’ils ne rencontraient auparavant que de façon
ponctuelle lors de la passation des tests 21 . Les collèges d’enseignement général et les lycées
leur ouvrent également leurs portes, et leur confient la tâche d’un suivi continu des élèves
depuis leur entrée en 6 ème jusqu’à la sortie du système scolaire. La démocratisation du
système scolaire et la généralisation de l’entrée en premier cycle universitaire a en effet obligé
les COP à redéfinir leur lieu d’intervention : soit en déplaçant les évaluations
psychométriques en aval, là où se joue désormais l’insertion professionnelle (c’est-à-dire à la
sortie du lycée ou de l’université), soit en se repliant sur le second degré, en assurant de
nouvelles missions de suivi continu des enfants au sein même des écoles (et non plus à
l’articulation de l’école et du marché du travail). La mission des COP se déplace ainsi
progressivement d’une orientation professionnelle des enfants sortant de l’enseignement
technique ou primaire vers l’orientation scolaire des élèves du second degré (une réforme de
1962 consacrera cette évolution en changeant leur appellation officielle de « conseiller
d’orientation professionnelle » à celle de « Conseillers d’orientation scolaire et
professionnelle »). Dans le même temps, les outils psychologiques utilisés par les COP se
transforment : face à la place croissante attribuée à l’entretien psychologique approfondi avec
le « consultant », la pratique des tests tend à disparaître, au point de devenir totalement
marginale aujourd’hui 22 . Michel Huteau, alors Directeur de l’INETOP, notait déjà ce
changement en 1984 :
21 La localisation des Conseillers d’orientation dans les CIO situés en dehors des lycées et des collèges ne
facilitait pas le contact entre les Conseillers d’orientation d’un côté, les élèves et enseignants de l’autre.
22 D’après une enquête réalisée en 1997 par le Ministère de l’Education, 89 % des COP estiment que le « conseil
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