27.12.2013 Views

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

et d’orientation. Elle leur permet d’étendre leur juridiction sur <strong>des</strong> problématiques qui leur<br />

avaient jusqu’alors échappé, offrant ainsi <strong>des</strong> débouchés inespérés à une profession en forte<br />

croissance numérique depuis vingt ans et dont les diplômés connaissent d’importantes<br />

difficultés d’insertion. Les choses sont toutefois plus complexes puisque, comme on l’a vu, ce<br />

travail se fait au contact de publics en difficulté et dans <strong>des</strong> conditions d’emploi souvent<br />

précaires, suscitant un sentiment de déclassement. Les psychologues qui travaillent dans<br />

l’insertion ont le plus souvent l’impression de se trouver dans une situation professionnelle<br />

impossible, obligés de faire le grand écart entre les deman<strong>des</strong> <strong>des</strong> individus et les contraintes<br />

sociales et économiques qui les obligent à les ramener vers <strong>des</strong> choix plus raisonnables ou<br />

réalistes (conduire en douceur un chômeur âgé vers une pré-retraite, suggérer à un jeune de<br />

poursuivre une formation au lieu de s’insérer directement…). Mais, par leur culture<br />

professionnelle, les psychologues sont peu portés à traduire ces difficultés sur un plan<br />

collectif en interrogeant la pertinence même <strong>des</strong> catégories véhiculées par la psychologie, ou<br />

en critiquant <strong>des</strong> dispositifs comme le bilan de compétence. Comme le fait justement<br />

remarquer Chistine Revuz (1994, p. 26), « l’expérience accumulée par les praticiens du bilan<br />

demeure muette. La profession ne produit pas la littérature professionnelle, corporative,<br />

commerciale, nécessaire à son exercice dans <strong>des</strong> conditions matérielles et déontologiques<br />

cohérentes avec ce que les conseillers ont appris de la pratique ». Au lieu de traduire leurs<br />

difficultés dans un registre politique, ils se tournent vers <strong>des</strong> dispositifs analytiques ou<br />

thérapeutiques comme l’analyse de pratiques, déjà évoquée, ou un travail analytique<br />

individuel. De la sorte, le système s’auto-alimente par strates de psychologisation successives<br />

et est peu propice à l’éclosion de critiques ou de revendications portées à un niveau<br />

économique ou macro-social. Les pouvoirs publics, enfin, trouvent également leur intérêt<br />

dans un tel système qui, en traitant les individus au cas par cas, permet tout à la fois de faire<br />

l’économie d’une remise en cause <strong>des</strong> mécanismes de gestion du chômage et d’afficher une<br />

volonté de mener <strong>des</strong> politiques actives de réinsertion. Notre propos n’est évidemment pas de<br />

dire que cette psychologisation <strong>des</strong> politiques d’insertion serait l’aboutissement d’un plan<br />

mûrement réfléchi de la part <strong>des</strong> pouvoirs publics, mais plutôt qu’elle est le produit d’une<br />

lente dérive <strong>des</strong> politiques d’insertion, qui ont progressivement abdiqué toute prétention à<br />

régler la question du chômage à un niveau global en déclinant les interventions sur <strong>des</strong><br />

populations toujours plus individualisées et localisées : selon le territoire, l’âge, le niveau<br />

scolaire, l’origine sociale etc. Rappelons à ce sujet que le rapport Schwartz (op. cit.) concevait<br />

individuelle et de la réalisation personnelle dans le travail.<br />

475

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!