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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

certain nombre de contingences : les facultés de droit, de lettres ou de sciences humaines<br />

requièrent moins d’infrastructures, de personnels ou de financements que les facultés de<br />

sciences, de médecine ou que les écoles d’<strong>ingénieurs</strong>. Ceci rend certaines disciplines et donc<br />

certaines professions plus vulnérables que d’autres aux contraintes socio-économiques.<br />

Freidson illustre ensuite sa démarche par une comparaison entre deux professions qui<br />

s’appuient sur <strong>des</strong> disciplines épistémologiquement voisines : les <strong>ingénieurs</strong> et les architectes.<br />

Alors que ces deux groupes mettent en œuvre un savoir théorique et formalisé, seul l’un d’eux<br />

– les architectes – est parvenu à se constituer en profession. La raison, nous dit Freidson, doit<br />

être cherchée tant dans les conditions économiques d’exercice de l’activité (les <strong>ingénieurs</strong><br />

travaillent pour la plupart au sein de gran<strong>des</strong> firmes et n’interviennent qu’à un moment précis<br />

de la division du travail interne à l’entreprise, alors que les architectes peuvent exercer en<br />

libéral) que dans les valeurs mises en avant par le groupe (les <strong>ingénieurs</strong> fondent la légitimité<br />

de leur action sur une valeur purement instrumentale : l’efficacité, alors que les architectes<br />

cherchent ajoutent à ce critère instrumental un critère esthétique).<br />

L’analyse de Freidson apparaît en revanche beaucoup plus fragile lorsqu’il<br />

s’intéresse aux transformations épistémologiques et à leurs conséquences sur les professions.<br />

Sur ce point, son analyse ne diffère guère de celle <strong>des</strong> fonctionnalistes. La sphère académique<br />

est vue comme le lieu d’un progrès continu de la recherche, qui donne aux professions les<br />

moyens de consolider leurs territoires et de mieux faire face à la concurrence d’autres groupes<br />

ou à la diffusion de leurs savoirs dans le monde « profane » :<br />

« La différence la plus importante entre les professions et les métiers de type<br />

artisanal tient peut-être au fait que les institutions idéal-typiques de formation <strong>des</strong><br />

professionnels ne se contentent pas de recruter, de former et de certifier leurs<br />

étudiants. Ce qui leur donne, à elles et à la profession dont elles font partie, la<br />

capacité de préserver et d’étendre leur domaine de compétence, c’est le fait qu’en<br />

plus d’enseigner, les enseignants se vouent à la systématisation, au raffinement et à<br />

l’extension du corps de connaissances et de savoir-faire propre à la profession »<br />

(Freidson, 2001, p. 96)<br />

Par ailleurs, Freidson ne s’intéresse qu’aux changements épistémologiques<br />

incrémentaux et est totalement silencieux sur les transformations de plus grande ampleur, du<br />

type de celles étudiées par Jamous et Peloille à propos de la médecine ou par Abbott à propos<br />

de la psychiatrie.<br />

Les analyses de Freidson et de Abbott nous invitent à mettre l’accent sur deux éléments qui<br />

concernent directement les rapports entre savoirs et professions :<br />

1) il est important de distinguer le statut épistémologique d’une discipline de ses applications<br />

sociales. Entre l’un et l’autre, s’intercalent un ensemble de « contingences », qui ne peuvent<br />

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