Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
d’orientation se fait en réalité non pas par une remise en cause radicale de la pertinence de
cette discipline pour aborder ces questions, mais sur un mode plus diffus, à travers des
réponses comme : « on n’a pas de réponse à tous les problèmes » ou encore « on est
constamment tiraillé entre la demande de l’institution de trouver des solutions et les
problématiques réelles des personnes ».
Dans le monde de la psychologie académique, les critiques adressées aux approches
individualisantes de l’orientation sont elles aussi assez rares. L’INETOP par exemple, reste
très tourné vers les approches psychométriques, avec une influence de plus en plus nette des
théories de la motivation nord-américaines et des outils d’auto-orientation reposant sur un
postulat d’autonomie du sujet. De même, les DESS de psychologie du travail consacrent une
grande partie de leurs enseignements à la psychométrie ou à l’apprentissage des méthodes de
conseil en emploi, mais accordent une place très limitée aux enseignements de sociologie et
d’économie, susceptibles de replacer les questions de chômage et d’insertion dans des cadres
plus larges. Christine Revuz est aujourd’hui l’une des rares psychologues du travail
universitaire à construire une théorie alternative, en s’inspirant de la psychanalyse lacanienne
et des travaux d’Yves Schwartz. Elle s’est ainsi livrée, dès la mise en place de la loi sur le
bilan de compétences, à une critique de ce dispositif, auquel elle reproche de laisser échapper
la dimension du « sujet », en se centrant trop exclusivement sur la motivation et le projet,
dimensions qui ne font qu’effleurer la complexité réelle des expériences de travail :
« Les pratiques de bilan ne s’aventurent guère au-delà du travail prescrit (…) cela
peut s’expliquer en disant que la démarche éducative ou thérapeutique est
essentiellement adaptative, qu’elle prend la réalité comme un donné rejoignant ainsi
tous les discours qui tendent à naturaliser les fonctionnements économiques actuels
et les rapports sociaux qui en découlent. Dans cette logique, l’important est que la
personne retrouve une place dans un milieu de travail. Or cette place n’est visible,
n’existe socialement que par une formalisation qui en est donnée et qui sert à
recruter, à évaluer, à promouvoir ou à licencier. Pourquoi, dans ces conditions,
travailler avec les personnes à un autre niveau ? » (Revuz, 1994, p. 30)
Selon elle, les conseillers et psychologues refusent d’entendre la singularité des
expériences de travail pour adopter un mode d’écoute convenu, standardisé et en se contentant
de faire entrer la personne dans des catégories préconstituées. Or, précisément parce qu’il est
une activité qui met le sujet aux prises avec son propre fonctionnement psychique, le récit de
l’expérience de travail ou de la trajectoire professionnelle supporte mal une élaboration dans
un langage convenu. Comme toute les activités dans lesquelles les personnes s’investissent
fortement, il fait entrer en jeu des mécanismes inconscients, tels que le désir : « penser en
termes de désir, c’est rompre avec les théories psychologiques qui voient dans l’homme un
"animal social" pour le penser, au contraire, comme un être de langage, dont la subjectivité
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