27.12.2013 Views

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

problèmes politiques, mais en s’appuyant sur une base cognitive qui est<br />

certainement moins sûre, et plus en quête de légitimité que celle de la science »<br />

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

Pour autant, la prise en compte de la base épistémologique de la profession ne<br />

constitue qu’une étape de l’analyse de Halliday. Elle ne suffit pas à rendre compte de son<br />

influence réelle car, entre l’épistémologie d’une profession et son influence sociale, viennent<br />

s’intercaler deux autres dimensions sociales : les lieux d’exercice de la profession et les<br />

mo<strong>des</strong> d’organisation de son action collective. En ce qui concerne les lieux d’exercice,<br />

Halliday distingue <strong>des</strong> « sphères institutionnelles primaires » et <strong>des</strong> « sphères institutionnelles<br />

secondaires », qui permettent de rendre compte de la portée différenciée <strong>des</strong> savoirs selon<br />

qu’ils s’exercent dans <strong>des</strong> lieux dominés par la profession ou dans <strong>des</strong> lieux où elle occupe au<br />

contraire une position marginale 114 . L’influence de la profession médicale sera bien entendu<br />

plus grande dans le milieu hospitalier que dans <strong>des</strong> institutions où les médecins jouent un rôle<br />

mineur (armée, services sociaux…). Les formes d’action collective conditionnent elles aussi<br />

l’influence sociale <strong>des</strong> professions. Il est plus facile pour certaines d’entre elles de se<br />

coaliser : ainsi les professions scientifiques ont moins de difficultés à s’engager dans <strong>des</strong><br />

actions collectives et à se regrouper en associations professionnelles puisque les questions<br />

qu’elles traitent sont en général moins controversées que celles <strong>des</strong> professions normatives,<br />

un accord minimal s’étant déjà établi sur la nature du savoir mis en œuvre 115 .<br />

La distinction proposée par Halliday entre professions scientifiques et professions<br />

normatives s’avère intéressante du point de vue de notre analyse, mais elle présente<br />

néanmoins certaines limites. D’une part, comme le souligne Freidson (2001, p. 157), elle ne<br />

rend pas compte d’un troisième type de profession qui ne place son mandat cognitif ni dans la<br />

« science » ni dans les « valeurs », mais dans l’esthétique. C’est le cas <strong>des</strong> professions<br />

purement artistiques (peinture, musique, sculpture) ou semi-artistiques (architectes,<br />

<strong>des</strong>igners…) qui traitent <strong>des</strong> normes du beau, et non du « vrai » ou du « bien ». Une seconde<br />

critique est que les professions étudiées par Halliday sont figées : dans sa perspective, leur<br />

mandat cognitif est fixé une fois pour toutes et ne peut évoluer au fil du temps. Or on<br />

trouverait de nombreux exemples de professions qui sont passées historiquement d’un modèle<br />

à l’autre. Ainsi, la profession artistique est passée d’un modèle « scientifique » qui<br />

prédominait jusqu’au XIX e siècle (où l’art officiel était étroitement codifié et produit au sein<br />

<strong>des</strong> académies ou <strong>des</strong> conservatoire) à un modèle « esthétique » qui l’affranchit de toute<br />

114 Sur la distinction entre « sphères institutionnelles primaires » et « sphères institutionnelles secondaires », voir<br />

supra.<br />

115 Les difficultés <strong>des</strong> psychologues et plus encore <strong>des</strong> psychothérapeutes à se regrouper en associations tiennent<br />

118

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!