Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Laugier se scinde en deux enseignements distincts : l’un de « physiologie du travail », est
confié au physiologiste Camille Soula (1946) et l’autre « sélection et orientation
professionnelle », est confié au Professeur Bize (1948). Les trajectoires des deux disciplines
ne cesseront alors de s’éloigner : alors que la « physiologie du travail » se tourne de plus en
plus vers l’ergonomie avec l’arrivée d’Alain Wisner en 1966 (chaire d’« ergonomie ») puis
vers les neurosciences avec celle de Pierre Falzon en 1990 ; la psychotechnique, quant à elle,
se tourne d’abord vers la psychosociologie et la formation en entreprise avec les
enseignements de Goguelin (1970-1989) puis vers la « psychopathologie du travail » avec
ceux de Christophe Dejours (1990) pour se transformer en 2005 en chaire « psychanalyse,
santé, travail ». L’évolution de ces disciplines au CNAM depuis 1945 montre bien que la
psychologie du travail se tourne de plus en plus vers un modèle de type « clinique » inspiré
des sciences humaines, alors que l’ergonomie embrasse le modèle des sciences de la nature ou
de l’ingénieur.
Les évolutions qui viennent d’être retracées font apparaître la crise du modèle
positiviste autour duquel s’était construite la psychotechnique depuis l’entre deux guerres, et
un net recul de la méthode des tests. Face à cet éclatement, les positions des praticiens sont
diverses. Alors que dans certains secteurs, on assiste à un repli identitaire autour de la
méthode des tests et de la psychotechnique, on voit dans d’autres domaines l’éclosion de
nouvelles pratiques de la psychologie du travail, plus particulièrement en matière de gestion
du personnel et de formation.
2. Le monde des praticiens face à l’éclatement de la psychotechnique
Les transformations des ressources cognitives sont l’un des éléments fréquemment
évoqués de déprofessionnalisation d’une activité. La remise en question des schémas
théoriques sous-jacents à la méthode psychotechnique, jointe au constat d’une inadéquation
accrue entre les tests et la structure des emplois, seraient à l’origine de l’éclatement progressif
de la catégorie professionnelle de psychotechnicien. Les liens entre les processus de
structuration professionnelle et l’évolution des savoirs ne sont pourtant pas aussi mécaniques,
chacun s’inscrivant dans des durées structurales différentes, comme l’ont montré Jamous et
Peloille (op. cit.) à propos de la médecine. On note ainsi, à partir du début des années 1960,
une dissociation croissante entre le monde de la psychologie académique et celui des
praticiens : alors que la méthode psychotechnique est discréditée sur le plan scientifique, les
pratiques évoluent peu, notamment dans le monde de l’orientation et de la sélection. Il n’est
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