Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Jusqu’ici, nous avons considéré la psychotechnique indépendamment des autres
domaines de la psychologie. Il faut rappeler que jusqu’aux années 1950, aucune autre branche
de cette discipline essentiellement universitaire n’offrait de choix alternatif en terme de
professionnalisation : la psychologie appliquée était synonyme de psychotechnique, et l’on ne
concevait pas d’applications professionnelles en dehors de la méthode des tests 1 . Un tournant
s’amorce au milieu des années 1950 : le paradigme expérimentaliste commence à
s’essouffler ; la méthode expérimentale semble avoir livré tous ses secrets et c’est avec un
certain dépit que l’on s’aperçoit qu’elle ne suffira pas à construire une société idéale, où
chacun serait orienté selon ses aptitudes conformément au généreux projet de Toulouse. L’un
des principaux promoteurs de la méthode psychotechnique au Ministère du Travail, Frédéric
Simon (1957) 2 constate qu’après dix ans d’expérimentation dans ses services, « la marge
d’erreur dans toute opération psychotechnique » reste considérable et que « le problème de la
sélection de la main-d’œuvre est un faux problème ». Face à cet échec, il lui semble
nécessaire d’infléchir l’activité des psychotechniciens dans deux nouvelles directions : la
première est celle de l’adaptation du travail à l’homme, par « l’étude psychologique
approfondie des conditions de travail », qui débouchera sur l’aménagement des outils et des
postes de travail dans le cadre de l’ergonomie (que l’on appelle encore de l’expression
américaine d’« Human engineering »). La seconde voie de salut de la psychotechnique réside
dans le « counseling », par lequel le psychologue peut « aider les employés à résoudre leurs
problèmes, en leur faisant prendre conscience des éléments affectifs qui déterminent leurs
motivations ou leurs attitudes ». La relation d’aide et la compréhension clinique prennent peu
à peu le pas sur l’épreuve du jugement-sanction dans laquelle s’inscrivait jusque là
l’intervention du psychotechnicien. On voit pointer en arrière-plan la thématique des
1 En réalité, comme l’écrivait S. PACAUD en 1955 (p. 156) le terme de psychotechnique a « toujours été
considéré en France comme synonyme de celui de psychologie appliquée ». C’est seulement à partir des années
1950 qu’une pratique professionnelle de la psychologie se détache de la méthode des tests pour devenir une
pratique plus large de conseil à autrui, avec le développement des pratiques de counseling.
2 Frédéric Simon (1909-1987), juriste de formation, a été de 1952 à 1960 directeur des services de sélection du
Ministère du Travail, dont dépendaient le CERP et les psychotechniciens de l’ANIFRMO, il a contribué au
développement du CERP et à la diffusion de la psychotechnique au sein de l’ANIFRMO, souhaitant même en
élargir les applications dans les services de la main-d’oeuvre. Il fut ensuite directeur de l’ANIFRMO de 1960 à
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