Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

test qui lui semble le plus approprié. Bien qu’initiateur de cette méthode, Lahy lui-même
n’échappe pas à ce travers, comme le souligne Ombredane dans un article intitulé
« Organisons la psychotechnique » paru dans la Revue Française du Travail en 1946 :
« Je crois qu’il est hasardeux de définir des tests d’aptitude par les fonctions
mentales à la mesure desquelles on prétend les destiner comme serait : test
d’attention, test de mémoire brute, test de mémoire logique, test de compréhension
etc. Je pense qu’il est plus sage de définir les tests en termes de comportement,
comme on a défini les professions en terme de travail. Par exemple, au lieu de tests
d’attention diffuse ou test d’attention concentrée [deux tests mis au point par Lahy à
la STCRP, l’un au début des années 1920, l’autre en 1935], on dira test de réaction à
une excitation élective, sans préjuger les moyens que le sujet peut mettre en œuvre
dans ses réactions ». 7
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Une autre difficulté de la méthode analytique porte sur les critères d’appréciation de
la valeur professionnelle des candidats. Ceux-ci sont loin d’avoir la précision et la rigueur des
méthodes psychotechniques. Or, c’est finalement sur ces bases fragiles que repose l’ensemble
de l’édifice psychotechnique, puisque la validité des tests est toujours déterminée en fonction
de leur corrélation avec des critères de réussite professionnelle. Tel test pourra être
parfaitement fidèle (c’est-à-dire donner les mêmes résultats dans des épreuves successives) et
avoir un pouvoir différentiateur 8 important, il sera totalement inutile si on ne parvient pas à le
mettre en rapport avec des indicateurs fiables de réussite professionnelle. Si certains de ces
indicateurs sont peu discutables (par exemple le nombre d’accidents annuels pour un
chauffeur de tramway, ou les primes versées en fonction des résultats), d’autres semblent faire
entrer une part de subjectivité plus importante chez l’évaluateur : notes professionnelles,
classements réalisés par les supérieurs hiérarchiques etc. Comme le note Lahy (ibid, p. 200) :
« les jugements que les chefs portent sur leurs subordonnés font toujours intervenir –
consciemment ou non – des éléments psychologiques étrangers aux aptitudes que la
psychotechnique cherche à mesurer. En outre, un chef – quelle que soit la précision de son
esprit – juge par intuition autant que par raisonnement. Les jugements varient suivant son
propre état psychologique et ses affirmations, qui ne reposent sur aucun élément objectif,
restent incontrôlables ». Bonnnardel (1943) consacre également un chapitre entier de son
ouvrage à critiquer les méthodes d’évaluation par le supérieur hiérarchique, jugées peu
fiables : « Chaque estimateur juge selon un point de vue personnel, sous une perspective qui
7 OMBREDANE, 1946, p. 560
8 Le pouvoir différentiateur d’un test est sa capacité à faire apparaître les différences individuelles entre les sujets
examinés. Un test trop difficile, qui ne sera réussi que par un nombre réduit d’individus, a un faible pouvoir
différentiateur entre les sujets moyens et mauvais, les deux se trouvant réunis dans un même groupe : il est peu
« sensible » aux variations individuelles (de même, un test trop simple ne différencie pas suffisamment les bons
sujets des moyens).
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