Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

L’apparition de ces nouveaux tests facilite considérablement la tâche du psychotechnicien et
rend sa méthode plus attractive pour les industriels : d’une part les tests peuvent être passés
collectivement, ce qui évite d’avoir à mobiliser un psychotechnicien pour chaque candidat
comme c’était le cas pour les tests psychomoteurs de Lahy ; d’autre part la standardisation de
la méthode est plus grande au niveau des consignes, du temps de passation et de la correction
des tests. Parallèlement, la psychotechnique entend jouer un rôle dans les régulations
publiques du marché du travail : l’orientation et la sélection professionnelle ne doivent plus
seulement tenir compte des aptitudes ou de la vocation de chacun, mais des possibilités
d’emploi dans les différentes professions et des besoins d’une économie nationale tout entière
tournée vers la productivité. Comme le note encore Rossignol (ibid, p. 290) :
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
« La sélection ne doit jamais perdre de vue les débouchés. Trop souvent des jeunes
gens ou des hommes aimeraient exercer un métier, qui se révèle encombré et
risquerait de les réduire au chômage. Le sélectionneur doit avertir les candidats de ce
fait, leur faire comprendre pourquoi la FPA a supprimé ou supprime l’enseignement
de ces branches et les amener si possible vers un métier où, à l’issue de son stage, ils
pourront trouver du travail »
d) Un nouveau "marché" de l’évaluation : les cadres
Les applications de la méthode psychotechnique s’étendent également à l’autre
extrémité de l’échelle, vers les professions intellectuelles et les emplois de cadres alors que
jusqu’au milieu des années 1940, la sélection aux emplois de cadres avait été peu pratiquée
par les psychotechniciens. Il y a à cela plusieurs raisons. D’une part, comme on l’a vu, les
tests élaborés par les psychotechniciens français dans l’entre deux guerres mettaient
principalement en jeu des aptitudes psycho-physiologiques et étaient par conséquent peu
adaptés à l’orientation vers des emplois de cadres, qui ne faisaient que faiblement appel à des
dimensions physiologiques. Les tests mentaux et de QI, largement diffusés aux Etats-Unis
dans l’entre deux guerres, restaient peu exploités en France. L’autre raison de la faible
diffusion de la psychotechnique en direction des cadres dans l’entre-deux guerres tient à des
facteurs sociaux : l’orientation professionnelle est née en partie de la crise de l’apprentissage 20
et de la nécessité d’orienter les enfants issus de l’enseignement primaire et technique vers des
professions principalement manuelles. La question du chômage des cadres et des diplômés ne
se posera que plus tard, au milieu des années 1930, et conduira à la création en 1932 par
19 Formation Professionnelle des Adultes
20 L’abolition par les révolutionnaires du système corporatif (décret d’Allarde de 1791) a entraîné un déclin de
l’apprentissage tout au long du XIX e siècle ; ce processus s’est ensuite accéléré avec l’accroissement de la
division du travail et l’apparition de la grande industrie à la fin du siècle. L’orientation professionnelle apparaît
comme une manière de remettre l’apprentissage au goût du jour, en le construisant sur des bases plus
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