Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
L’architecture proposée est la suivante : les diplômés de l’Institut ou de la licence de
psychologie auront la possibilité de préparer à l’issue de leurs études un « certificat d’études
psychotechniques » (CEP), préparé en un an au CNAM et à l’INOP. Ils devront ensuite
effectuer un stage d’un an dans un service psychotechnique agréé par la direction de
l’Enseignement Technique. A l’issue de ce stage, ils pourront présenter devant un jury un
travail personnel, sous forme de thèse, qui donnera accès au diplôme d’Etat de
psychotechnicien (DEP). La vision de Piéron était toutefois peu adaptée à la réalité de la
psychotechnique des années 1950. Comme on l’a vu, coexistaient sous cette appellation un
ensemble disparate de personnes, qui se distinguaient tant par leurs pratiques ou leurs secteurs
d’activité (public, privé), que par leur niveau scolaire initial. Il y avait en particulier à
l’ANIFRMO ou dans certains cabinets de conseil en recrutement des personnes relativement
âgées, qui exerçaient la psychotechnique depuis quelques années mais n’avaient reçu qu’une
très courte formation dans des organismes privés comme la CEGOS, l’INFCP ou le CERP
(voir supra). Ces divergences entre le segment des praticiens âgés et le segment des jeunes
issus de la licence de psychologie (incarné par l’APPD), apparaissent lors des travaux
préparatoires à la création du diplôme, au cours desquels le directeur du CNAM, Louis
Ragey, rappelle la nécessité d’officialiser la situation d’un certain nombre de
psychotechniciens, qui n’ont pas reçu de formation suffisante, mais qui ne doivent pas pour
autant être considérés comme des charlatans, notamment lorsqu’ils bénéficient d’un
environnement professionnel à une pratique raisonnée de la psychotechnique, comme c’est le
cas à l’ANIFRMO :
« Le projet de programme me paraît très lourdement chargé de psychologie
livresque et très insuffisamment nourri d’expérience professionnelle. S’agissant
d’une activité qui s’exerce dans les usines, les candidats ne sauraient appartenir à la
seule catégorie des étudiants. Il faut concevoir la sanction comme ouverte à des
candidats formés exclusivement dans des établissements d’enseignement supérieur
et aussi à des candidats issus des métiers, qui seront venus chercher dans nos
établissements des compléments d’études » 99 .
La voix des principaux syndicats de psychotechniciens se fait également entendre :
ils craignent que les praticiens sans formation ne puissent pas prétendre au diplôme. Ainsi, le
SNP-CGT, se faisant l’écho des psychotechniciens du Ministère du Travail demande en 1952
à Piéron « l’assurance qu’aucun psychotechnicien en exercice ne soit contraint à préparer et
passer un diplôme pour conserver sa situation » 100 . De même, Guy de Beaumont, parlant au
nom de la Chambre syndicale des Conseils en psychologie du travail, demande que tous les
99 CHAN F 17 17940 : « Diplôme d’Etat de psychotechnicien », lettre de Louis Ragey, directeur du CNAM à M.
Legay, sous-directeur de l’Enseignement Technique, 8 octobre 1948
100 Arch. SNP-CGT, 50J63, Archives départementales de la Seine Saint-Denis, « Syndicat national des
252