Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

très légitimement s’ils pourront se réclamer de cette profession et dans quelles conditions » 94 .
Les débats sont d’autant plus vifs que les Conseillers d’orientation, corps créé dès les années
1920, et les Psychologues scolaires (apparus en 1945 sous l’initiative d’Henri Wallon)
estiment « être historiquement les premiers psychologues ». La perspective d’être écartés du
titre par les « nouveaux venus » de la clinique est donc pour eux l’objet du plus grand
scandale. A l’opposé, le segment des cliniciens voit dans le titre unique le moyen de
surmonter ces divergences de statut et de redorer le blason de la profession vis-à-vis des
professions concurrentes. Le SNP, composé en majorité de cliniciens, voit ainsi dans la loi sur
le titre le moyen de surmonter ces segmentations statutaires et de "régulariser" la situation
dans la Fonction publique, où les psychologues sont recrutés à un niveau jugé trop faible :
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
« A l’heure actuelle, il existe en France plusieurs décrets portant statut et plusieurs
conventions qui règlement la profession au sein de l’Education nationale, de
l’Enseignement Catholique, de la Santé, de l’Education Surveillée, des
établissements de l’enfance inadaptée, etc. Ils sont tous différents. Nous nous
battons pour l’existence d’un titre unique de psychologue. Si nous l’obtenons, les
différents décrets et conventions devront être modifiés et alignés les uns et les autres
sur l’esprit de la loi. Là où il n’existe aucune réglementation, référence devra être
faite à la loi. » 95
L’attrait exercé par le titre varie donc d’un segment à l’autre. Pour les psychologues
dépourvus de statut et/ou qui connaissent d’importantes difficultés d’insertion professionnelle
(comme les cliniciens du secteur privé, associatif ou libéral), l’enjeu d’une protection du titre
est essentiel. Leur activité se déroule sur des marchés du travail « ouverts » où ils sont soumis
à la concurrence des professions voisines et où la légitimité de leur intervention est sans cesse
remise en question. Pour ces praticiens, il est stratégique de nouer des alliances avec des sousgroupes
mieux institutionnalisés et plus influents, susceptibles de renforcer leur position dans
la négociation collective 96 . A l’inverse, pour ceux qui bénéficient d’un statut et ont déjà
trouvé leur place sur des marchés internes, le détour par la bannière unifiée de la
« profession » revêt une importance moins cruciale. Il peut éventuellement permettre
d’améliorer leur position dans leurs organisations respectives (par rapport aux médecins dans
le secteur hospitalier, ou par rapport aux enseignants dans le monde éducatif) mais la priorité
est plus souvent donnée à des actions corporatives ciblées qui ne supposent pas la
mobilisation difficile et hasardeuse de l’ensemble de la profession.
94 Intervention de Mme Farysse-Cazalis, députée communiste, 27 juin 1985
95 Bulletin du SNP, n°55, mars 1982, p. 5
96 Voir dans un autre registre le cas de l’association d’ingénieurs étudiée par BENGUIGUI et MONJARDET (1968),
qui fédère les intérêts a priori divergents de différentes catégories d’ingénieurs (diplômés de petites et grandes
écoles) dans un travail collectif d’argumentation destiné à leurs différents auditoires (client, pouvoirs publics,
établissements de formation…).
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