Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

La relative marginalité de la psychologie appliquée dans le monde universitaire des
années 1920-1930 se lit aussi à travers le profil des étudiants de l’Institut, qui se démarque
nettement de celui d’étudiants plus « classiques ». S’il est difficile d’établir des généralités à
partir des quelque 280 étudiants qui fréquentèrent la section de psychologie appliquée entre
1920 et 1940 55 , on peut néanmoins dégager quelques tendances générales 56 :
Tableau 2 – Les étudiants de psychologie appliquée de l’Institut de psychologie
% femmes % étrangers Moyenne d’âge
56,4% 59% 29,2 ans
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
D’une part, la moyenne d’âge est relativement élevée puisqu’elle se situe aux
alentours de trente ans, en raison de la part importante d’étudiants ayant eu une activité
professionnelle avant d’entrer à l’Institut (environ 30%). Bien que le baccalauréat ne soit pas
obligatoire pour s’inscrire, près des deux tiers des étudiants ont déjà suivi une formation
universitaire avant d’entreprendre des études de psycholologie. Parmi ceux-ci une très forte
majorité (64%) vient de lettres, les autres venant de médecine (15%), des sciences (15%) ou
du droit (6%).
L’origine socioprofessionnelle des actifs fournit de précieuses indications sur le
profil de ces premiers psychotechniciens et confirme l’orientation essentiellement
« hygiéniste » de la psychotechnique dans l’entre deux guerres. Les professions participant de
la constellation « médico-sociale » sont nettement surreprésentées parmi les élèves de
l’Institut : visiteuses d’hygiène, surintendantes d’usine, médecins, infirmières d’usine,
assistantes sociales… Les enseignants (instituteurs principalement) forment également une
part importante du public. Ces groupes représentent ensemble les trois quarts du public des
actifs. En revanche, on relève seulement une infime proportion de professions de l’industrie et
du commerce (ingénieurs, industriels, commerçants…), signe que la psychotechnique
n’intéresse guère les industriels en France dans l’entre-deux guerres. Les psychotechniciens
ne sont donc pas des « rationalisateurs » au sens taylorien du terme, mais participent plutôt
d’un ensemble d’activités à vocation médicale ou sociale, qui visent avant tout à préserver la
santé des travailleurs et à faire un meilleur usage des ressources démographiques du pays. On
retrouve bien dans cette conception la philosophie de Toulouse et de Lahy, qui contraste
nettement avec les réalisations allemandes ou américaines de la même période, où la
55 Soit environ un quart des 1200 élèves qui fréquentèrent l’Institut dans l’une des trois sections entre 1920 et
1940. Nous ne nous intéressons ici qu’aux diplômés de cette section, qui se destinent à un exercice professionnel
de la psychologie dans l’industrie ou l’orientation professionnelle.
56 Les statistiques présentées ici ont été établies à partir des registres de l’Institut de Psychologie concernant la
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