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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

pas à quitter la sphère de la science pour s’engager sur le terrain glissant de la normativité,<br />

alors que les fondations épistémologiques de leurs savoirs ne sont guère plus assurées que les<br />

siens. La sociologie reste en effet avant tout attachée au modèle de la science, soucieuse de<br />

rigueur et refusant le plus souvent de se compromettre avec la pratique (Goode, 1960 ; Piriou,<br />

1999). Même lorsqu’ils se déclarent praticiens, peu de sociologues prétendent apporter <strong>des</strong><br />

"recettes" à <strong>des</strong> clients, ou alors ils sont jugés avec une certaine suspicion par leurs pairs. De<br />

surcroît, ces clients ne sont jamais <strong>des</strong> individus qui viennent les consulter pour résoudre un<br />

problème personnel et immédiat : il s’agit le plus souvent d’une clientèle institutionnelle,<br />

publique ou privée, qui sollicite une expertise respectant les canons du travail scientifique.<br />

Les psychologues, à l’inverse, sont aux prises permanentes avec la pratique et se caractérisent<br />

par une "mentalité de clinicien" (Freidson, 1984 [1970], p. 176). Les contingences d’une<br />

situation et le caractère inattendu de la rencontre, du dialogue avec un "client" (qui peut se<br />

nouer ou non) comptent davantage que les schémas théoriques sur lesquels ils s’appuient. Ils<br />

font preuve dans leur travail quotidien d’un certain pragmatisme, très éloigné de la rigueur<br />

<strong>des</strong> modèles produits par les chercheurs en psychologie. Même lorsqu’ils s’appuient sur <strong>des</strong><br />

schémas scientifiquement construits comme les tests, ils considèrent que ceux-ci doivent<br />

conserver une place de second rang par rapport à la contingence de la situation et la<br />

perception globale d’une personne singulière 40 .<br />

Il résulte de cette situation que le sociologue qui étudie l’activité <strong>des</strong> psychologues<br />

s’expose toujours au risque de la "surinterprétation", au sens où l’entend Lahire (1996), c’està-dire<br />

qu’il risque de projeter son propre rapport intellectuel à l’objet, et de perdre de vue<br />

l’engagement pratique <strong>des</strong> acteurs dans leur travail. Qu’il s’agisse d’une situation de<br />

recrutement, d’un bilan de compétence ou d’une entrée en formation professionnelle, le<br />

travail est avant tout vécu par les intéressés comme un bricolage, où se mêlent à la fois <strong>des</strong><br />

concepts psychologiques, <strong>des</strong> outils formalisés (les tests), une expérience professionnelle<br />

procédant par typification et un certain nombre de contingences. Même chez les praticiens les<br />

plus férus de théorie, c’est toujours un certain pragmatisme qui domine, comme le montrent<br />

les propos de cette psychologue :<br />

« Nous notre spécificité en tant que psychologues c’est d’envisager la personne dans<br />

son ensemble. Même si on sait que malgré tout on doit pas délirer avec elle. Au bout<br />

du compte il faut quand même lui trouver une solution. On doit se plier à certaines<br />

réalités et on est là pour ça aussi » (entretien n°19, femme, psychologue du travail<br />

à l’AFPA)<br />

également OTERO (2000) qui traite du cas particulier du Canada.<br />

40 Comme le soulignait une chargée de recrutement au cours d’un entretien : « Vous savez les tests ça n’a pas<br />

beaucoup d’importance… c’est juste un moyen pour prendre contact avec les gens ».<br />

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