Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
sollicite également, pour créer des tests de recrutement destinés à ses conducteurs de
Tramways (Arch. Münsterberg). Certaines compagnies de navigation, comme la San
Francisco and Portland Steamship Company, se montrent également intéressées par le
recrutement psychologique de leurs capitaines de navire, face à une recrudescence des
accidents de navigation. Münsterberg, qui meurt en 1916, n’aura toutefois pas la possibilité de
donner une grande ampleur aux applications de la psychologie industrielle. Son travail fut
donc repris par des successeurs (Harold Burtt, Robert Yerkes, Walter Bingham, Henry
Link…) qui construisirent des tests de sélection pour les téléphonistes, les dactylographes, les
télégraphistes etc… 14
Le souci de Münsterberg de créer un véritable marché de services psychologiques
apparaît également dans l’acception volontairement très large qu’il donne au terme de
« psychologie industrielle » : celle-ci englobe chez lui un ensemble de démarches
managériales, allant du recrutement à la publicité en passant par le design et l’organisation des
différents services au sein de l’usine. Ces nouvelles méthodes trouvent leur ancrage naturel
dans une université qui est elle-même de plus en plus portée à produire des experts utiles à
l’industrie (voir supra). Münsterberg apparaît ainsi comme un véritable entrepreneur de sa
discipline, faisant le lien entre savoirs et applications pratiques :
« Les résultats des expériences sur les aptitudes et inaptitudes naturelles des
différents individus sont maintenant si complets que de vastes possibilités s’offrent à
nous pour les mettre en application dans le monde des affaires. Le chef du personnel
habile a appris, d’une manière plus ou moins improvisée, à lire les capacités des
hommes sur leurs visages, leurs mains, à travers leurs paroles et leurs mouvements.
Il est fier de savoir « mesurer » les hommes et de les placer là où il convient. (…) la
psychologie, il me semble, se présente comme une nouvelle spécialité, une nouvelle
application de la science dans l’industrie, réalisant d’une certaine façon pour les
hommes ce que le chimiste a fait pour le charbon et l’acier, le ciment et les teintures
et ce que l’ingénieur a fait pour les bâtiments, les machines et les routes. La
psychologie offre des possibilités, nullement achevées mais qui méritent l’attention
du monde des affaires, de placer dans les départements des usines une nouvelle
fonction consistant à tester les candidats que vous devrez employer » 15
On a souvent reproché à Münsterberg d’avoir été un pur « marchand », seulement préoccupé
de vendre ses "recettes" aux industriels les plus offrants, et finalement peu préoccupé de faire
avancer la science. Ainsi Van de Water (1997, p. 490) écrit :
« Münsterberg a embrassé avidement le rôle de vendeur. Il a lancé la psychologie
appliquée sur le marché, en écrivant des articles dans des magazines populaires, en
faisant pression auprès du gouvernement et même en mettant sur pied une série de
films psychologiques (…) Fondamentalement, Münsterberg a été l’un des premiers
14 Sur l’entrée de la psychologie à l’usine dans les années 1910, voir CAMBROSIO (1980)
15 Arch. Münsterberg, Boston Public Library, Mss. Acc. 2457, “The laboratory test for workers, by H.
Münsterberg”
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