Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

« Les expérimentateurs, ou plus exactement les opérateurs doivent agir
mécaniquement [c’est l’auteur qui souligne] en ne se préoccupant ni des hypothèses
qui sont à la base du travail qu’ils accomplissent, ni des interprétations qu’ils
seraient tentés de faire d’après les résultats enregistrés. C’est pourquoi nous avons
créé un outillage qui rend toutes les excitations automatiques et qui les enregistre –
ainsi que les réponses des sujets – automatiquement. La part qui est réservée à nos
opérateurs se réduit à la surveillance du fonctionnement mécanique rigoureux des
appareils et à la récitation des textes fixés par nous, qui ne doivent, sous aucun
prétexte, être modifiés. Nos techniques peuvent donc être pratiquées par des
opérateurs qui ne sont pas des psychologues professionnels. Ceux-ci, choisis parmi
les fonctionnaires de la STCRP appliquent les techniques de la même façon qu’un
bon ouvrier se sert de l’outil approprié à sa besogne (…) Les instructions qu’ils
doivent suivre sont fixées dans un brochure dite : Livre des techniques, qui règle leur
activité professionnelle. (…) Les parties les plus intellectuelles de la méthode :
l’hypothèse et l’interprétation ne sont pas exclues de notre laboratoire de
psychotechnique. Elles restent dans nos attributions et dans celles de l’ingénieur qui
nous assiste » (Lahy, 1927, p. 216)
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Ainsi, Lahy recommande au directeur des Galeries Lafayette de recruter comme
opérateur-psychotechnicien « une secrétaire, bonne sténo-dactylo, susceptible d’être formée à
nos méthodes (…) ce personnel serait sélectionné par la méthode psychotechnique et formé
par mes soins ». Lahy se réserve en revanche la direction scientifique du laboratoire :
« J’assumerai moi-même la direction scientifique dans des conditions pécuniaires que les
Galeries Lafayette fixeront elles-mêmes. Je prendrai en outre l’entière responsabilité des
résultats prévus, mais il faudrait un chef de laboratoire qui dépendra de moi » 103 . Lahy
procéda de la même manière au laboratoire de la STCRP, dont il assuma la direction
scientifique jusqu’en 1938 (en collaboration étroite avec Suzanne Pacaud), mais dont il confia
la direction technique et administrative à un ingénieur de l’entreprise, Gaston Guyot. Celui-ci
avait également pour mission de construire les tests et appareils de mesure, d’après les
instructions de Lahy 104 . La dizaine d’opérateurs-psychotechniciens de la STCRP furent
choisis parmi le personnel de l’entreprise (principalement des machinistes) et formés
personnellement par Lahy mais ne reçurent pas de formation psychologique approfondie, leur
seule fonction étant de s’effacer le plus possible devant les tests, dont la précision ne devait
pas être entachée par des éléments de subjectivité. Raymond Carpentier 105 rapporte ainsi
qu’au moment où il est entré au service de psychologie appliquée de la RATP en 1948, les
opérateurs-psychotechniciens devaient apprendre les consignes de tests par cœur et les réciter
aux candidats d’une voix monocorde, afin de ne pas introduire de biais dans le résultat.
103 Arch. Lahy, dossier n° 727.
104 Gaston Guyot devait fonder, en 1927 une entreprise qui devint la principale maison d’édition de tests
psychotechniques en France et qui existe encore aujourd’hui : les EAP (Etablissements d’applications
psychotechniques)
105 Entretien R. Carpentier, ancien directeur du laboratoire de psychologie appliquée de la RATP, août 2001
(entretien n°51).
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