Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

l’AFPA perçoit principalement son rôle comme celui d’un "accompagnateur", qui aide le
demandeur d’emploi à sortir de son "attentisme" et à exercer un regard critique sur ses propres
choix, dans un monde délivré toutes contraintes économiques et sociales et où seule compte la
motivation de l’individu :
« La personne qui est en face de nous, la plupart du temps on lui demande une
remise en cause, notamment par rapport à son attentisme. On va lui proposer des
solutions alternatives dans le but de vaincre ses inerties. Naturellement c’est pas
exprimé comme ça en entretien, mais ça va revenir à ça… A seule fin que cette
personne puisse s’approprier la réalité de ce qui se passe autour d’elle et qu’elle
puisse exercer enfin son esprit critique par rapport à un choix. J’en reviens toujours
à ça en fait. En son âme et conscience elle doit faire son choix. Si une personne veut
être pilote de montgolfière moi je veux bien, du moment qu’après elle travaille et
qu’elle établisse un pronostic de réussite. Si elle estime qu’il est faible mais que elle,
par sa motivation, elle est capable d’y arriver, moi je dis banco ! il y a pas de
raisons ! » (entretien n°28, homme, psychologue du travail à l’AFPA).
tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006
Le consultant "idéal" du psychologue a donc plusieurs caractéristiques. Il doit tout
d’abord manifester une forte autonomie, qui est la condition sans laquelle le psychologue ne
peut sortir de son rôle disciplinaire. Le code de déontologie des psychologues répète à l’envi
ce discours : le psychologue s’engage au « respect de la personne humaine dans sa dimension
psychique » et que par conséquent « il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé
des personnes concernées » 16 . Le postulat est que le psychologue n’est pas dans une position
de savoir ni de pouvoir face au sujet qui s’adresse à lui ; il doit simplement l’aider à être "luimême"
en se montrant ouvert et en favorisant les conditions d’un dialogue constructif. Il est
un « professionnel de l’écoute », qui ne force pas au dialogue, ni à la prise de décision.
Il y a là une réponse implicite des professionnels de l’orientation aux reproches qui
ont été souvent adressés au travail social au début des années 1970 de contribuer à normaliser
les conduites et à discipliner les individus, dans le sillage des travaux de Foucault. Mais cette
discipline prend aujourd’hui une forme plus subtile puisque le psychologue cherche
désormais à aider le sujet dans sa conquête d’autonomie, c’est-à-dire qu’il lui apprend à gérer
lui-même sa propre trajectoire et son propre devenir sans avoir besoin de l’intervention du
psychologue ou d’une quelconque tutelle extérieure. On passe donc d’une régulation
extérieure des conduites, telle qu’elle prévalait dans le cadre de la psychotechnique par le
contrôle des aptitudes, à une régulation intérieure, qui se fait néanmoins avec l’appui de ces
professionnels spécialisés que sont les psychologues ou les conseillers d’orientation. Il ne
s’agit plus simplement de contrôler, d’ordonner, de mettre chacun à sa place, mais d’éduquer
les sujets et d’améliorer leur capacité à exercer un contrôle et une discipline sur eux-mêmes.
16 Code de déontologie des psychologues, titre I.
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