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Les' ingénieurs des âmes'. Savoirs académiques ...

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tel-00096116, version 1 - 19 Sep 2006<br />

clinique, sur la base <strong>des</strong> savoirs issus <strong>des</strong> différentes sciences expérimentales. La médecine<br />

hospitalière française s’était en effet construite, tout au long du XIX e siècle, autour d’une<br />

définition essentiellement « clinique » de l’activité, appuyée sur le postulat que la médecine<br />

ne peut s’apprendre et progresser « qu’au chevet du malade », par l’observation continue et<br />

approfondie <strong>des</strong> pathologies. L’école anatomo-clinique, qui se développe à Paris dans la<br />

première moitié du XIX e siècle, redouble d’ingéniosité dans la mise au point de nouvelles<br />

métho<strong>des</strong> d’observation (le stéthoscope de Laënnec), et de statistiques médicales (Pinel,<br />

Esquirol). Pour les auteurs, qui reprennent en grande partie les thèses de Foucault (1963) sur<br />

l’émergence de la clinique, la mise en place d’un tel système au lendemain de la Révolution<br />

française n’a été possible que parce que les médecins ont pu « rentrer dans un hôpital libéré de<br />

l’emprise <strong>des</strong> congrégations religieuses ébranlées par la Révolution, délié <strong>des</strong> caprices et <strong>des</strong><br />

volontés <strong>des</strong> anciens fondateurs, mis sous l’autorité formelle <strong>des</strong> communes, c’est-à-dire de<br />

ces nouveaux notables triomphants dont font partie les médecins eux-mêmes » (1973, p. 19).<br />

Ces hôpitaux étaient, pour <strong>des</strong> médecins qui se voyaient investis de la triple mission de<br />

produire, de transmettre et d’appliquer les savoirs, une source inépuisable d’observations. Ils<br />

devinrent aussi le lieu de formation <strong>des</strong> futurs médecins, par la mise en place d’un concours<br />

spécifique visant à recruter la future élite médicale : « l’internat ». Ce système, organisé<br />

autour de la relation clinique, contribua à entretenir une certaine opacité dans la relation entre<br />

le médecin et le malade, et plus largement entre le médecin et la société. Il se fonde sur un<br />

modèle libéral où le médecin seul peut avoir, en raison <strong>des</strong> compétences presque magiques<br />

dont il est investi, le bon « regard » sur le malade :<br />

« Valoriser la clinique, c’est valoriser les virtualités et le talent du producteur dans<br />

l’obtention du résultat, c’est faire dépendre la qualité de celui-ci moins de<br />

techniques et de règles transmissibles que d’un rapport toujours singulier et<br />

aléatoire, de la "rencontre d’une conscience et d’une confiance" comme aiment à le<br />

répéter la majorité <strong>des</strong> médecins » (Jamous et Peloille, 1973, p. 39).<br />

Mais si les « dons » attribués au médecin ont une telle valeur aux yeux de la société,<br />

c’est parce que cette élite médicale appartient elle-même aux catégories dominantes et qu’elle<br />

est par conséquent en mesure de reproduire son propre système de légitimation. D’où la<br />

qualification donnée par les auteurs de « système auto-perpétué », qui traduit cette association<br />

étroite entre un mode de production et de diffusion du savoir médical et un ordre social<br />

entièrement dominé par une élite bourgeoise.<br />

signalé l’existence de ce texte.<br />

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