les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
— A merveille ! à merveille ! s’écria Yên-pé-hân ; je brûle d’y
jeter un coup d’œil.
Pou-hoeï étant entré dans l’intérieur, apporta la copie demandée et
la leur remit en les priant de l’examiner. Ils la déployèrent et y lurent
les vers suivants :
En vain je jouis d’une charge héréditaire ;
J’ai devant les yeux les chefs-d’œuvre de la littérature 459 , mais
je n’ai garde d’y toucher.
Au dedans de moi, je n’ai pas, vraiment, un atome de talent,
Et c’est en vain que je porte sur la tête un bonnet carré 460 .
J’ai voulu imiter l’étoile de Koueï 461 , le fait est que j’ai l’air d’un
démon. p.480
Je me pare du nom d’homme, quoique je ne sois évidemment
qu’un pantin.
Si l’on me jetait (vivant) dans une fosse 462 en me confondant
avec les lettrés,
Comment pourrais-je, après mille générations, me laver de
cette indigne calomnie ?
Cette lecture finie, Yên-pé-hân et P’ing-jou-heng ne purent
s’empêcher de battre des mains et de rire à gorge déployée :
— Voilà une satire qui est vraiment délicieuse, s’écrièrent-ils ; il
est aisé de voir que ce jeune seigneur Ou a été cruellement
mortifié.
— Depuis que ce jeune seigneur a été ainsi bafoué, reprit Pou-
hoeï, les personnes qui auraient voulu lui demander des vers ou
de la prose élégante, craignent de s’attirer quelque mésaventure,
et à moins d’une nécessité urgente, nul n’ose plus venir la
solliciter. Après cela, messieurs, y allez-vous ou non ?
— Si mademoiselle Chân, reprit Yên-pé-hân en riant, s’émancipe
à ce point et persifle ainsi les gens, c’est qu’elle n’a pas encore
rencontré un seul homme d’un véritable talent. Demain matin,
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